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Acheter-Louer.fr

Management Reports Apr 30, 2021

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Management Reports

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ACHETER -LOUER. FR

Rapport

Avis sur l'intérêt que l'acquisition de la société YEELD SAS représentait pour la société Acheter-Louer fr au mois de novembre 2020

avril 2021

Cabinet Didier Kling Expertise & Conseil 28 Avenue Hoche 75008 Paris

Sommaire

2. 1. Liminaire
Présentation d'ALFR, de YEELD et du Projet de protocole d'accord
2.1
2.2
2.3
Présentation d'ALFB
Présentation de YEELD
Présentation du Projet de protocole d'accord adressé par YEELD le 12 novembre 2020
3.
YEELD, telle qu'exposée dans le Projet de protocole adressé par YEELD, et à plus forte
raison ses besoins de développement
3.2 3.1 ALFR ne disposait pas des ressources financières suffisantes pour faire face aux décaissements
envisagés dans le Projet de protocole d'accord adressé par YEELD le 12 novembre 2020 ……… 10
ALFR ne disposait pas des ressources financières nécessaires au développement de YEELD 15
4. Pour autant qu'ALFR aurait disposé des ressources financières suffisantes, le Projet de
protocole adressé par YEELD décrivait un projet d'acquisition qui ne constituait par une
opportunité de croissance externe intéressante pour une small-cap cotée comme ALFR19
4.1
4.2
4.3
Exposé des principes de financement des start-ups par l'industrie du capital risque
Le Projet de protocole adressé par YEELD constituait un projet d'acquisition qui s'écartait des
principes habituels de financement d'une start-up
Le Projet de protocole adressé par YEELD décrivait un projet d'acquisition qui ne constituait pas une
opportunité de croissance externe intéressante pour une small-cap cotée comme ALFR
5
5.1 - Une ambition affirmée de permettre à ALFR de s'imposer comme le leader de l'accession de la
propriété ne reposant pas sur une analyse précise des métiers visées, de leur contexte concurrentiel
ou des avantages compétitifs dont dispose ALFR
5.2
5.3
qui ne correspond pas aux synergies qui avaient été mises en avant pour justifier un
rapprochement auprès d'ALFR
qui est susceptible de provoquer la méfiance des clients d'ALFR et des pertes de revenus 30
Résumé- conclusion
-------------------- -- --

Liminaire 1.

La société ACHETER-LOUER.fr (ci-après, la « Société » ou « ALFR ») a pour activité de mettre à disposition des professionnels de l'immobilier - agents immobiliers, promoteurs et constructeurs de maisons individuelles – et de l'habitat une gamme complète de solutions marketing.

Les 416 773 545 actions composant son capital social sont admises à la négociation sur le marché Euronext Growth (précédemment Alternext) d'Euronext Paris depuis 2007 sous le code ISIN FR0010493510.

La société YEELD SAS (ci-après, « YEELD ») évolue dans l'univers des fintech¹ où elle exerce ses activités dans le domaine de la micro-épargne avec l'ambition de devenir une néobanque².

ALFR et YEELD ont engagé au mois de juillet 2020 des discussions en vue d'un éventuel partenariat capitalistique et / ou opérationnel3.

ALFR a informé le marché par voie de communiqué de presse, le 13 novembre 2020, successivement que :

  • · elle mettait fin aux négociations en vue de l'acquisition d'une société du secteur des Fintechsé ;
  • · un groupe d'investisseurs lié à YEELD agissant de concert (ci-après, les « Concertistes ») l'avait averti avoir franchi le seuil de 9% de son capital et de ses droits de vote et détenir, à la date du 10 novembre 2020, des actions représentant 9,06% de son capital social.

YEELD informait de son côté le marché par voie de communiqué de presse, le 18 novembre 2020, d'une prise de participation à hauteur de 9% du capital social d'ALFR5.

Elle y expliquait cette entrée au capital d'ALFR par le fait de « nourri[r] de grandes ambitions pour ce portail de l'immobilier dédié aux professionnels et particuliers » et soulignait que « Forts de nombreuses synergies, Yeeld propose de mutualiser leurs expertives avec pour objectif de permettre à Acheter-Louer .fr de s'imposer, à moyen terme, comme le leader de l'accession à la propriété ».

Le cours du titre d'ALFR réagissait à ce communiqué de presse par une hausse de 0,0199€ le 17 novembre 2020 à 0,0223€ le 18 novembre 2020 (+12,0%), puis à 0,0336€ le 19 novembre 2020

1 Secteur d'activité qui a pour ambition de déployer un ensemble de technologies (digitales, intelligence artificielle ... ) pour améliorer les services proposés dans le domaine financier.

2 Source : communiqué de presse de YEELD du 18 novembre 2020 où il est indiqué : « Yeeld, Fintech, spécialisée dans la micro-épargne, annonce l'acquisition de 9% du capital social et des droits de vote de la société Acheter-Louer.fr, devenant ainsi son premier actionnaire. Au travers de cette opération, la néobanque nourrit de grandes ambitions pour ce portail de l'immobilier dédié aux professionnels et particuliers » (gras ajouté par nous).

3 Source : communiqué de presse d'ALFR du 13 novembre 2020 intitulé « cessation des négociations en vue de l'acquisition d'une société du secteur des FinTechs ».

Ibid.

5 Source : communiqué de presse d'EELD du 18 novembre 2020 intitulé « Yeeld et ses investisseurs ('Yeeld') deviennent les actionnaires de référence d'Achter-Louer.fr avec pour ambition d'en faire le leader de l'accession à la propriété ».

(+50,7%) . Le 25 novembre 2020, le cours d'ALFR clôturait à 0,064€, soit un triplement en à peine plus d'une semaine.

Depuis, la fièvre spéculative entourant le titre ALFR n'est pas retombée, son cours se clôturant à 0,060€, lors de la séance du 15 février 2021, avant de subir une nouvelle flambée spéculative la propulsant à 0,87€ le lendemain et de finalement clôturer à 0,091€ le 7 avril 2021.

Le communiqué d'ALFR du 13 novembre 2020 faisait suite à la réception d'un projet de protocole d'accord transmis par le président de YEELD (ci-après, le « Projet de protocole d'accord ») envisageant une acquisition de YEELD par ALFR, pour moitié en cash et pour moitié par émission d'actions, sur la base d'une valorisation de YEELD de 20 m€, sous réserve de la valorisation de YEELD retenue par un expert indépendant.

La capitalisation boursière d'ALFR s'élevait, le 12 novembre 2020, date de réception du Projet de protocole d'accord, à 8,2 m€, et à 38 m€ le 7 avril 20217.

C'est dans ce contexte que le directoire d'ALFR a mandaté le cabinet Didier Kling Expertise & Conseil, représenté par MM. Didier Kling et Teddy Guerineau, afin de donner un avis indépendant sur l'intérêt que l'acquisition de YEELD représentait pour ALFR sur la base de la valorisation de 20 m€ revendiquée par les actionnaires de YEELD et selon les modalités indiquées dans le Projet de protocole d'accord adressé par YEELD le 12 novembre 2020.

Pour accomplir notre mission, nous avons utilisé les documents publics et informations qui nous ont été transmis par la Société et ses conseils, sans avoir la responsabilité de les valider. Conformément à la pratique, nous n'avons pas cherché à valider les données historiques et prévisionnelles utilisées, dont nous sommes limités à vérifier la vraisemblance et la cohérence.

Dans le cadre de nos diligences nous avons rencontré M. CAMPAGNOLO et M. ALVAREZ d'ALFR. En revanche, M. BEYDOUN, président de YEELD, que nous avons joint par courriel n'a pas souhaité nous accorder un entretien.

La suite de ce rapport se décompose en 4 parties.

Dans la deuxième partie, nous présentons successivement ALFR, YEELD et le Projet de protocole d'accord (2.).

Dans la troisième partie, nous exposerons qu'ALFR ne disposait pas des ressources financières permettant de réaliser l'acquisition de YEELD, telle qu'exposée dans le Projet de protocole adressé par YEELD le 12 novembre 2020, et à plus forte raison ses besoins de développement (3,).

Dans la quatrième partie, nous verrons que pour autant qu'ALFR aurait disposé de ressources financières suffisantes, le projet adressé par YEELD ne correspondait pas à un projet de croissance externe attractif compte tenu de ses caractéristiques pour une small-cap comme ALFR (4.).

Dans la cinquième partie, nous analyserons les synergies liées à un rapprochement entre ALFR et YEELD (5.).

6 Sauf mention contraire, les cours cités sont des cours de clôture (source : Bloomberg).

7 Sur la base d'un capital social formé de 416.773.545 actions (source : communiqué de presse d'ALFR du 6 novembre 2020) et respectivement d'un cours moyen pondéré par les volumes sur 20 jours au 10 novembre 2020 de 0,0197€ (source : Bloomberg) et d'un cours de clêture de 0,091€ le 7 avril 2021.

2. Présentation d'ALFR, de YEELD et du Projet de protocole d'accord

2.1 Présentation d'ALFR

2.1.1 Présentation des activités d'ALFR

ALFR est un site d'annonces immobilières, leader de la presse gratuite immobilière en Ile de France, qui a développé un ensemble de services marketing pour les professionnels de l'immobilier et de l'habitat, notamment au travers de la monétisation de bases de données email et SMS.

ALFR organise ses activités autour de trois segments.

En premier lieu, le segment propose principalement des magazines de thématiques d'annonces immobilières et de réseaux d'agences immobilières.

En deuxième lieu, le segment BtoB comprend un magazine d'informations professionnelles et des prestation digitales et d'e-mailings uniquement adressées aux professionnels de l'immobilier.

En dernier lieu, le segment digital propose des solutions marketing qui s'organisent notamment autour :

  • · d'un portail de petites annonces immobilières de professionnels ;
  • · de la génération de leads intentionnistes immobilier et habitat ;
  • · de la monétisation de bases de données e-mail (9 millions d'adresses mail) et SMS (4 millions de contacts) au travers notamment de campagnes d'e-mailing et de SMS, BtoC et BtoB.

La figure 1 présente l'évolution du chiffre d'affaires d'ALFR par activité sur la période 2017 - 2020.

8 Source : comptes consolidés d'ALFR pour les exercices 2017, 2018 et 2019 et communiqué de presse du 29 janvier 2021 pour l'exercice 2020.

On observe que le chiffre d'ALFR a connu une croissance soutenue de +41% entre 2017 et 2019, portée par ses activités digitales en progression de +66%. Celui-ci a toutefois souffert d'un ralentissement de l'activité des professionnels de l'immobilier au cours de l'année 2020 et chuté de -22%. Il s'est réparti à hauteur de 71% dans son activité digitale, 15% son activité print et 14% son activité BtoB.

2.1.2 Présentation des caractéristiques financières d'ALFR

La figure 2 présente les principaux agrégats financiers d'ALFR sur une période allant de son exercice 2017 au premier semestre de son exercice 2020.

En k€ 2017 2018 2019 2020 ST
Chiffre d'affaires 2 536 2 895 3 582 1 552
Evolution 3,8% 14.2% 23,7% 8.2%
BBITDA 1 333 1 380 2 062 838
Marge en % 52.6% 47.7% 57.6% 54.0%
Résultat d'exploitation 250 192 573 61
Marge en % 9.9% 6.6% 16.0% 3.9%
Résultat net pdg9 137 171 410 65
Capitaux propres pdg 9762 10 248 11 621 11 602
Trésorerie nette 1 598 720 864 395
Counan , commtac concolidos d'AIED

Figure 2 - Principaux agrégats financiers d'ALFR sur la période 2017 - 2020 (S1)

Source : comptes consolides d'ALFR

On observe qu'ALFR a généré une marge d'exploitation comprise entre 3,9%, au premier semestre 2020, et 16,0%, au cours de son exercice 2018, et un résultat net part du groupe représentant un montant maximum de 410 k€ au cours du même exercice.

Elle disposait à la fin du premier semestre 2020 de fonds propres importants, représentant 11,6 m€, qui trouvaient leur contrepartie dans les actifs incorporels qu'elle développe19, et d'une trésorerie nette de 395 k€.

En somme, ALFR est un site d'annonces immobilières et le leader de la presse immobilière gratuite en Ile de France qui a développé un ensemble de services marketing pour les professionnels de l'immobilier et de l'habitat, notamment au travers de l'exploitation de bases de données e-mail et SMS. Pour autant, elle dispose d'une taille limitée que ce soit tant en termes de chiffre d'affaires, de résultats, que de trésorerie ou de capitalisation boursière.

2.2 Présentation de YEELD

2.2.1 Présentation des activités de YEELD

YEELD a été créée au mois de mai 2013 et reprise par son dirigeant actuel, Monsieur BEYDOUN, au mois de septembre 2017.

Pdg : part du groupe.

10 Site Internet, fichiers e-mailing ...

Elle a développé une application de micro-épargne, qui a été lancée au mois de mars 2019 sur l'App Store et Google Play.

L'idée est d'inciter les utilisateurs de l'application YEELD à épargner de manière ludique.

Pour ce faire, YEELD propose plusieurs règles d'épargne comme l'arrondi automatique14, le pile ou face12 ou le « 1, 2, 3...52 »13 dont le produit est affecté à différents projets14.

YEELD offre également des services de paiement à ses utilisateurs (cartes bancaires virtuelles, Mastercard ... ).

Elle avait lancé initialement une offre de pré-abonnement proposant gratuitement ses services, hors carte Mastercard payante à 19,99€.

Depuis le 21 décembre 2019, elle a lancé un système par abonnement qui propose trois formules :

· une formule gratuite dite « basique » permettant de mettre en place une capsule ;

YEELD génère alors un chiffre d'affaires avec ces utilisateurs en facturant les services complémentaires comme la 2ème capsule, les virements sortants, la carte bancaire virtuelle ou la carte Mastercard.

  • · une formule dite « complet » sur la base d'un abonnement mensuel de 4,99€, qui donne accès à un panel plus important de services non payants (capsules illimitées, virements sortants, carte bancaire virtuelle ... ) ;
  • · une formule dite « expert » sur la base d'un abonnement mensuel de 9,99€ qui inclut un nombre de services gratuits encore plus important, comme la carte Mastercard.

Selon les informations que YEELD avait communiqué à AIFR, à la fin du mois d'avril 2020, soit un peu plus d'un an après son lancement :

  • · son application avait été téléchargé 79.000 fois ;
  • · elle disposait de 14.000 utilisateurs actifs ;
  • · parmi les utilisateurs actifs, 81% avaient souscrit son offre pré-abonnement ;
  • · parmi les utilisateurs actifs ayant souscrit un abonnement, 64% avaient souscrit l'offre gratuite ;
  • · 5% des capsules mises en place concernaient un projet immobilier ;
  • · l'encours moyen d'épargne par utilisateur actif s'élevait à 134€.

11 Cette règle consiste à arrondir ses dépenses en carte bleue à l'euro supérieure, la différence étant épargnée.

12 Cette règle consiste à choisir un montant à épargner dès qu'on se trompe à pile ou face.

13 Cette règle consiste à épargner 1€ la rème semaine, ainsi de suite jusqu'à la 52èm semaine où il est épargné 52 €.

4 YEELD appelle « capsule » les différentes enveloppes d'épargne que ses utilisateurs dédient à leurs différents projets.

Ainsi, environ 7% des utilisateurs actifs de l'application YEELD, soit environ 1.000, avaient souscrits une offre avec un abonnement payant15.

YEELD avait indiqué à ALFR envisager de développer des services complémentaires qui permettraient de rapprocher son modèle de celui d'une néobanque16.

2.2.2 Présentation des caractéristiques financières de YEELD

La figure 3 présente les principaux agrégats financiers de YEELD sur ses exercices clos le 31 mai 2018, le 31 mai 2019 et le 31 décembre 20197.

Figure 3 - Principaux agrégats financiers de YEELD sur ses exercices clos le 31 mai 2018, le 31 mai 2019 et le 31 décembre 2019

En k€ / Exercice clos le 31/05/18 31/05/19 31/12/19
Chiffre d'affaires 1,7 0,0 81,6
Résultat de l'exercice -190,9 -550,0 -388,1
Pertes cumulées -263,3 -813,3 -1 201,4
Capital social + primes d'émission 214,6 926,6 926,6
dont capital social 76,8 89,0 89,0
Dettes financières nettes 20,7 -45,2 243,8

YEELD n'a commencé à enregistrer véritablement un chiffre d'affaires qu'au cours de son exercice de 7 mois clôturé le 31 décembre 2019, à hauteur de 82 k€.

Compte tenu des charges supportées pour développer son application, recruter des utilisateurs, assurer son service clientèle... YEELD a subi des de pertes de manière continue, dont le montant cumulé s'élevait à 1.201 k€ au 31 décembre 2019.

Ces pertes ont été financées en partie par une levée de fonds d'amorçage réalisée au mois de juin 2018», soit deux ans avant le début des discussions avec ALFR, pour un montant de 712 k€. La valorisation post-money de YEELD retenue à cette occasion s'élevait à 5,2 mC.

Elles ont également été couvertes par des emprunts de telle sorte que YEELD supportait une dette financière nette de 244 k e au 31 décembre 2019.

15 Soit [1 - 81%] x [1 - 64%].

16 Ce qui est confirmé par le fait que YEELD revendique cette appellation dans son communiqué du 18 novembre 2020.

17 Source : comptes sociaux de YEELD communiqués à ALFR.

18 Source : procès-verbal des décisions du président en date du 6 juin 2018. Selon les derniers statuts mis à jour disponibles sur le site Sociétés.com, le capital de YEELD n'aurait pas été modifié depuis le 6 juin 2018, ce qui signifie qu'elle n'a pas effectué de nouvelles levées de fonds depuis juin 2018. Notamment, il apparaît qu'elle n'a pas effectué une levée de fonds au mois de février 2019, contrairement à certains articles disponibles sur Internet, comme https://www.societe.tech/levee-de-fonds-yeeld-leve-1-6million-deuros/.

2.3 Présentation du Projet de protocole d'accord adressé par VERD le 12 novembre 2020

M. BEYDOUN, président de YEELD, a adressé, le 12 novembre 2020, à M. CAMPAGNOLO, président du directoire d'ALFR, un Projet de protocole d'accord pour signature entre la société Volta Participations 219, ALFR, M. CAMPAGNOLO et YEELD.

Ce document décrivait en particulier les modalités d'une acquisition de YEELD par ALFR (2,3,1) et d'une modification de la gouvernance d'ALFR au profit des actionnaires de YEELD (2.3.2).

2.3.1 Modalités de l'acquisition de YEELD par ALFR

Le Projet de protocole d'accord prévoyait une acquisition de YEELD par ALFR sur la base d'une valorisation de YEELD de 20 m€, sous réserve de la valorisation de YEELD retenue par un expert indépendant, financée pour moitié en cash et pour moitié par émission d'actions nouvelles d'ALFR.

Plus spécifiquement :

D'une part, il était demandé à ALFR d'acquérir à compter du 15 janvier 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021, 50% des actions formant le capital de YEELD pour un prix de cession global de 10 m€. Ainsi, ALFR aurait dû s'engager à acheter tous les 15 du mois, pendant une période de dix mois s'étalant du mois de janvier 2021 au mois d'octobre 2021, 5% des actions YEELD pour un montant mensuel d'un million d'euros20.

D'autre part, les actionnaires de YEELD auraient réalisé un apport en nature de l'autre moitié de leurs actions pour une valeur de 10 m€, en contrepartie de l'émission d'actions nouvelles ALFR².

Afin de permettre la bonne réalisation de ces opérations, il était demandé à M. CAMPAGNOLO de²2 :

  • · faire procéder à une évaluation d'ALFR par un expert indépendant ;
  • · obtenir du Tribunal de commerce une ordonnance de nomination d'un commissaire aux apports chargé notamment d'apprécier la valeur des apports ;
  • · convoquer les organes sociaux compétents d'ALFR aux fins d'autoriser l'apport en nature de 50% des actions de YEELD détenues par ses actionnaires à son bénéfice et de procéder à la signature de la documentation juridique y afférent ;
  • · convoquer une assemblée générale extraordinaire des actionnaires d'ALFR à l'effet d'approuver l'apport en nature de 50% des actions de YEELD rémunéré par l'émission d'actions ordinaires nouvelles d'ALFR.

19 Selon notre compréhension, il s'agit d'une société holding détenue par M. BEYDOUN,

20 Source : article 3.1 du Projet de protocole d'accord.

21 Source : article 4.1 du Projet de protocole d'accord.

22 Source : article 4.2 du Projet de protocole d'accord.

2.3.2 Modification de la gouvernance d'ALFR au profit des actionnaires de YEELD

Le second objet du Projet de protocole d'accord était d'obtenir une modification de la gouvernance d'ALFR sous la forme :

  • · d'un changement du mode d'administration et de direction d'ALFR pour adopter la forme de société à conseil d'administration ;
  • de la désignation d'un conseil d'administration composé de 5 membres dont 3 proposés par YEELD.

3. ALFR ne disposait pas des ressources financières permettant de réaliser l'acquisition de YEELD, telle qu'exposée dans le Projet de protocole adressé par YEELD, et à plus forte raison ses besoins de développement

Le Projet de protocole d'accord prévoyait un schéma d'acquisition de YEELD par ALFR qui l'aurait conduite à décaisser en espèces un montant total de 10 m€, à raison d'un million d'euros par mois entre janvier et octobre 2021 (cf. paragraphe 2.3.1).

Toutefois, ALFR était loin de disposer des ressources financières suffisantes pour faire face à ces décaissements, malgré la signature d'un contrat d'émission d'obligations convertibles en actions à bons de souscription d'actions au mois de juin 2020 (ci-après, le « Contrat d'OCABSA »), dont la mise en œuvre dépendait de l'adoption de différentes résolutions par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires (3.1).

Par ailleurs, le développement de YEELD suppose de réunir des financements très importants qui s'avèrent également au-delà de la capacité d'ALFR (3.2).

3.1 ALFR ne disposait pas des ressources financières suffisantes pour faire face aux décaissements envisagés dans le Projet de protocole d'accord adressé par YEELD le 12 novembre 2020

Le schéma d'acquisition de YEELD par ALFR décrit dans le Protocole d'accord prévoyait qu'ALFR verse la somme en cash de 10 m€ aux actionnaires de YEELD, à raison d'un million d'euros par mois, sur une période de dix mois entre janvier et octobre 2021.

ALFR disposait de trois sources pour financer cet emploi :

  • · sa trésorerie (3.1.1) ;
  • · les obligations convertibles en actions à bons de souscription d'obligations convertibles (ci-après, les « OCABSOC ») émises en septembre 2017 (3.1.2) ;
  • · les obligations convertibles en actions à bons de souscription d'actions (ci-après, les « OCABSA ») à émettre sous réserve de l'adoption des résolutions nécessaires par une assemblée générale extraordinaire (3.1.3).

Toutefois, ces trois sources de fonds représentaient à l'horizon du mois d'octobre 2021 un montant cumulé largement insuffisant pour faire face à l'engagement de décaisser 10 m€ demandé par les actionnaires de YEELD (3.1.4).

3.1.1 La trésorerie disponible d'ALFR à la date du Projet de protocole d'accord

Les comptes consolidés par ALFR au titre du 1er semestre 2020 font apparaître une trésorerie d'un montant de 587 k€ et des dettes financières d'un montant de 192 k€ correspondant aux OCABSOC en circulation.

Nous comprenons qu'ALFR avait bénéficié entre le 30 juin 2020 et la date du Projet de protocole Nous comprenons qu'illí rentaires résultant de l'exercice de bons de souscription d'obligations d'accord d'un montant de 310 k€²3 puis d'un montant de 454 k€™.

Hors prise en compte des résultats enregistrés depuis le 30 juin 2020 et des mouvements de son riors prise en conferent, ALFR disposait donc à la date du Projet de protocole d'accord d'une trésorerie d'un montant de 1.351 k€25.

Il convient de noter que les dettes au 30 juin 2020 relatives aux OCABSOC ne faisaient pas courir n convient de livrer que les access tibles de peser sur la trésorerie d'ALFR car ces obligations sont nécessairement convertibles en actions à leur échéance (cf. infra).

Si on fait l'hypothèse qu'ALFR devait conserver une trésorerie comprise entre 200 k€ et 400 k€ Drour faire face à ses besoins de trésorerie d'exploitation, elle disposait d'un excédent de pour faire face à 600 bebe et 1.151 k€ pour faire face aux décaissements envisagés par le Projet de protocole d'accord.

3.1.2 Les OCABSOC

a) Caractéristiques des OCABSOC

ALFR a procédé à l'émission, au mois de septembre 2017, de 1.320.000 OCABSOC dont les caractéristiques étaient les suivantes26.

  • · La valeur nominale des obligations convertibles s'élève à 1,00€.
  • · A chaque obligation convertible initialement émise (ci-après, les « OC 2017 ») est attachée dis 1 condigation d'obligations convertibles exerçables sur 5 ans (ci-après, les « BSOC bons de souscription

L'exercice des bons de souscription étaient donc susceptible à l'émission en théorie de 2.640.000 obligations convertibles nouvelles chaque année.

  • · Les obligations convertibles portent un intérêt annuel de 1,0%.
  • . Les obligations sont convertibles sur la base de 65% de la valeur moyenne des cours de clôture Les obligations sont convertisites bar le no période de 10 jours consécutifs, prise dans les trois mois précédents la date de conversion.
  • Le nombre maximum d'obligations convertibles pouvant être converties sur une période de Le nombre maximant à oble d'émission est égal à un montant représentant 20% du nombre d'actions composant le capital d'ALFR par année glissante.

b) Ressources mobilisables par ALFR grâce aux OCABSOC

L'émission d'OCABSOC réalisée par ALFR lui a permis de disposer immédiatement d'un financement de 1,32 m€.

23 Source : Rapport d'activité semestriel d'ALFR du 1er janvier au 30 juin 2020.

24 Source : Communiqué d'ALFR du 6 novembre 2020.

25 Soit 587 k€ + 310 k€ + 454 ke.

26 Source : Rapport de gestion du directoire d'ALFR au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Compte tenu des modalités de fonctionnement de ces produits financiers, l'obtention de ressources financières complémentaire pour ALFR était à la main des détenteurs des bons de souscription des obligations convertibles.

En effet, la conversion des obligations convertibles déjà émises n'apporte pas de ressources supplémentaires en trésorerie à ALFR mais transforme seulement une dette financière en capital, sur la base du cours de conversion défini contractuellement.

Ce n'est que lorsque les détenteurs de souscription d'obligations convertibles décident de souscrire à de nouvelles obligations convertibles qu'ALFR reçoit de nouveaux fonds.

Dans ce contexte, on constate qu'à la date de réception du Projet de protocole d'accord :

  • · ALFR ne disposait pas de la certitude de pouvoir mobiliser des fonds supplémentaires grâce aux OCABSOC car l'obtention de nouveaux fonds dépendait de la décision des détenteurs de bons de souscription d'obligations convertibles de souscrire de nouvelles obligations convertibles.
  • · Le montant qu'ALFR était certaine de recevoir sur une période d'un an se limitait à 500 k€ jusqu'à fin 2022, correspondant à l'engagement minimum d'exercice de BSOC par l'Investisseur.

Les OCABSOC représentaient donc une source de financement certaine de 500 k€ pour faire face aux décaissements envisagés par le Projet de protocole d'accord, le solde des sommes pouvant être recues au titre des OCABSOC étant à la main de l'investisseur.

3.1.3 Les OCABSA

a) Caractéristiques des OCABSA27

ALFR a signé, le 11 juin 2020, un contrat d'émission d'OCABSA avec un investisseur, le fonds NEGMA GROUP LTD, dont la mise en œuvre supposait l'adoption de différentes résolutions par son assemblée générale extraordinaire qui n'ont pas été adoptées à la date du présent rapport. Ses principales clauses étaient les suivantes :

  • · L'investisseur s'engage à souscrire à des émissions d'OCABSA réalisées par ALFR par tranche de 500 k€28.
  • · Son engagement porte sur la souscription d'un nombre total de 20 tranches sur une période de 36 mois.
  • · ALFR peut émettre une première tranche de 500 k€ à partir du moment où les dispositions nécessaires à la mise en œuvre du contrat OCABSA sont réunies.
  • · ALFR peut ensuite émettre les tranches suivantes (soit à chaque fois 500 k€) sous réserve de respecter une période de récupération correspondant à 40 jours de bourse.
  • · Cette période de récupération est susceptible d'être allongé en cas de survenances d'un certain nombre d'évènements dont, en particulier, un niveau d'échange insuffisant sur le titre ALFR. Plus précisément, cette période de récupération est allongée si le volume moyen d'échange

27 Source : Contrat OCABSA.

28 Chaque tranche correspond à l'émission de 200 obligations d'une valeur nominale de 2.500 euros.

calculé sur 15 jours est inférieur à 30 k€ en cas d'émission d'une seule tranche et inférieure à 80 k€ en cas d'émission simultanée de deux tranches.

  • · ALFR dispose de la possibilité d'émettre simultanément deux tranches si l'investisseur a préalablement converti toutes les obligations convertibles émises dans les tranches précédentes, ce qui suppose qu'il ait écoulé sur le marché les titres résultant de cette conversion.
  • @ La valeur de l'action retenue pour convertir les obligations convertibles correspond à 93% du plus bas du cours quotidien moyen pondéré par les volumes échangés sur les 15 jours précédant l'émission.
  • · Aux obligations convertibles sont attachées des BSA permettant de souscrire un nombre d'actions représentant 50% du nombre d'actions obtenus par leur conversion. Le prix d'exercice de ces BSA représente 115% du cours moyen pondéré par les volumes calculé sur une période de 15 jours précédant l'envoi de la requête d'émission d'une tranche. La durée d'exercice des BSA est de 60 mois.
  • · Il est prévu qu'ALFR verse à l'investisseur une commission d'engagement d'un montant de 500 k€, qui peut être payée par la remise d'obligations convertibles d'une valeur de 100 k€ lors de l'émission des cinq premières tranches.

b) Ressources mobilisables par ALFR grâce aux OCABSA

Le montant des ressources mobilisables par ALFR grâce aux OCABSA dépend du volume d'échange sur le titre ALFR car il détermine à la fois :

  • · le délai de récupération au terme duquel ALFR peut émettre une nouvelle tranche d'OCABSA ;
  • la capacité de l'investisseur à placer sur le marché l'ensemble des actions résultant de la conversion des OCABSA, ce qui constitue un évènement qui entraine la possibilité pour ALFR d'émettre deux tranches.

Si on analyse les volumes moyens échangés sur une période de deux ans précédant le 20 octobre 2020-9, on constate que le volume moyen de titres ALFR échangé était inférieur à 30 k€ pendant 25% des séances et inférieur à 80k€ pendant 53% des séances.

Ainsi, le délai de récupération risque d'être porté à 50 jours en cas d'émission d'une tranche® et à 61 jours en cas d'émission de deux tranches31.

29 Soit la date à partir de laquelle des actionnaires liés à YEELD ont sans doute commencé à acquérir des titres ALFR si on se base sur leurs déclarations de franchissement de seuil et sur la durée nécessaire pour acquérir sur le marché le nombre de titres nécessaire pour aboutir à ces franchissements de seuil compte tenu des volumes observés.

30 Soit 40 jours + 25% (probabilité que le volume échangé durant un jour parmi les quarante soit inférieur à 30 k€) x 40.

31 Soit 40 jours + 53% (probabilité que le volume échangé durant un jour parmi les quarante soit inférieur à 80 k€) x 40.

Il résulte de ces éléments que sur la période de 10 mois durant laquelle ALFR devait verser 10 m€ aux actionnaires de YEELD correspondant à environ 210 jours de bourse, on peut estimer qu'ALFR était susceptible de lever entre 2.000 k€ et 3.000 k€ grâce aux OCABSA32 :

  • · La fourchette basse de cette estimation correspond à l'hypothèse où l'investisseur n'arrive pas à convertir l'ensemble de ses obligations convertibles sur la période de récupération. ALFR doit alors attendre la fin de chaque période de récupération pour émettre une tranche. ALFR peut ainsi émettre 5 tranches33 représentant un financement net de commission d'engagement de 2,0 m€34.
  • · La fourchette haute de cette estimation correspond à l'hypothèse où l'investisseur arrive à convertir les OCABSA relatives à deux tranches sur chaque période de récupération. ALFR peut alors effectuer 4 émissions35 représentant un financement net de commission d'engagement de 3,0 m€36.
  • · Il n'est pas tenu compte d'un éventuel produit de la conversion de BSA dans la mesure où ils sont émis en dehors de la monnaie et ont une durée de vie de 60 mois37.

Les OCABSA représentaient donc une source de financement potentielle, sous réserve du vote de l'assemblée générale des actionnaires, comprise entre 2.000 k€ et 3.000 k€ pour faire face aux décaissements de 10 m€ envisagés par le Projet de protocole d'accord.

3.1.4 Conclusion sur les ressources mobilisables par ALFR pour faire face aux décaissements envisagés dans le Projet de protocole d'accord

L'analyse des différentes sources de financement disponibles pour ALFR fait apparaître qu'elle n'était susceptible de mobiliser qu'un montant compris entre 3,0 m€ et 4,5 m€ alors que le Projet de protocole d'accord envisageait qu'ALFR achète des titres YEELD pour un montant cash de 10,0 m€.

32 Cette fourchette correspond à la possibilité pour ALFR de pouvoir lever entre 9,0 m€ (soit 2,5 m€ / 10 x 36) et 12,6 m€ (soit 3,5 m€ / 10 x 36) sur 36 mois, ce qui est cohérent avec l'engagement de l'investisseur portant sur 10 m€.

33 Au 1er jour, au 51ème jour (1 + 50), au 101ème jour, au 15 ième jour et au 201ème jour.

34 Soit 5 x (500 k€ - 100 k€).

35 Au 1er jour, au 62ème jour (1 + 61), au 123 jours et au 184ème jour.

36 Soit (500 k€ - 100 k€) + 3 x 2 x 500 k€ - 4 x 100 k€.

37 ALFR ne distribue pas de dividende. Or, le porteur d'un BSA a toujours intérêt à attendre l'une option d'achat portant sur une action qui ne distribue pas de dividende, sinon il renonce à la valeur temps de l'option.

Figure 4- Synthèse des ressources mobilisations par ALFR pour faire face aux décaissements envisagés dans le Projet de protocole d'accord

Ressources Fourchette
En ke Basse Haute
Excédent de trésorerie તે જેવી સવલતો પ્રાપ્ય થયેલી છે. આ ગામનાં લોકોનો મુખ્ય વ્યવસાય ખેતી, ખેતમજૂરી તેમ જ પશુપાલન છે. આ ગામમાં મુખ્યત્વે ખેત-ઉત્પાદની તેમ જ પશુપાલન છે. આ ગામમાં મુખ્યત્વે આવેલું એક । । ।
OCABSOC 500 500
OCABSA 2 000 3 000
Total 3 451 4 651

ALFR ne disposait donc pas, à la date de la proposition du dirigeant de YEELD, des ressources financières immédiates ou des capacités à terme suffisantes pour faire face aux décaissements d'un montant total de 10 m€ envisagés dans le Projet de protocole d'accord pour régler la partie cash de l'acquisition de YEELD.

3.2 ALFR ne disposait pas des ressources financières nécessaires au développement de YEELD

A la date du Projet de protocole d'accord, YEELD est une start-up qui a lancé une application disposant d'un nombre limité d'utilisateurs actifs et a réalisé seulement une levée de fonds d'amorçage.

Ses besoins de financement prévisionnels sont alors importants pour :

  • · rembourser les dettes accumulées (3.2.1) ;
  • · développer son application dans le domaine de la micro-épargne (3.2.2) ;

tandis que son ambition de devenir une nécessiterait des investissements largement hors de portée d'ALFR (3.2.3).

3.2.1 Sur les dettes financières accumulées par YEELD

Les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2019 faisaient ressortir que YEELD supportait des dettes financières d'un montant de 499 k€, tout en disposant d'une trésorerie d'un montant de 255 k€.

Sachant que YEELD avait réalisé une perte de 388 k€ sur les 7 mois de son exercice clos le 31 décembre 2019 et que le nombre de ses utilisateurs actifs avait peu progresser sur les premiers mois de 2020, il était raisonnable d'estimer penser qu'elle enregistrerait une perte au cours de l'année 2020 comprise entre le montant constaté en 2019 (soit 388 k€) et le montant constaté en 2019 proratisé sur une année entière (soit 388 k€ / 7 x 12 = 665 k€).

Lors de la prise de contrôle de YEELD, ALFR aurait donc dû rembourser les dettes de YEELD d'un montant estimé compris entre 632 k€ (soit 499 k€ - 255 k€ + 388 k€) et 909 k€ (soit 499 k€ - 255 k€ + 665 k€).

3.2.2 Sur les investissements à consentir pour se développer dans le domaine de la micro-épargne

Le modèle économique des applications de micro-épargne semble consister à constituer un parc croissant d'utilisateurs actifs à qui il sera proposé ensuite un panel de services de plus en plus étendus (épargne, paiement, crédit ... ) qu'il convient de les convaincre de payer.

La réussite de ce type de modèle repose donc sur la capacité de leurs promoteurs à :

  • · attirer des utilisateurs actifs tout en optimisant ses dépenses marketing ;
  • · étendre sa gamme de services ;
  • · être capable de rendre ses services ergonomiques, ludiques et d'un bon rapport qualité prix pour réussir à les monétiser auprès des utilisateurs.

Il convient de noter que ce type de modèle économique n'est protégé que par de faibles barrières à l'entrée :

  • · les coûts du développement d'une application de micro-épargne et du back-office nécessaire à la réalisation des opérations sont limités, comme en témoigne le montant des fonds levés par YEELD depuis sa création ou par Moka avant le lancement de son application ;
  • · l'extension du nombre d'utilisateurs ne crée pas d'effet de réseau39 comme dans le cas d'un réseau social ou d'une plateforme du type d'Uber ;
  • · les applications sont développées de manière à être ergonomiques, ce qui réduit, sans doute, les « switching costs »39 subis par les utilisateurs, qui peuvent donc facilement aller d'une application à une autre au gré des promotions consenties ;
  • · les Fintechs d'autres secteurs peuvent étendre leurs services à la micro-épargne, comme la néobanque N26 qui proposent des « espaces »40.

YEELD est donc soumise à la concurrence d'un certain nombre d'applications de micro-épargne (par exemple Birdycent, Bruno, Moka ou Cashbee) quand ce n'est pas à celle des néobanques (N26).

Il résulte de ces éléments que YEELD est confrontée à la nécessité de devoir lever des fonds pour investir en marketing afin d'accroître son parc d'utilisateurs actifs, pour s'imposer dans son domaine, et développer de nouvelles fonctionnalités, pour accroître son revenu par utilisateur.

38 L'effet de réseau est le mécanisme par lequel l'utilité réelle d'une technique ou d'un produit dépend de la quantité de ses utilisateurs. L'existence d'un effet de réseau est une forte incitation à être le premier entrant sur un marché ou à se constituer le plus rapidement possible la plus large base possible d'utilisateurs, quitte à reléguer dans un second temps la recherche des moyens de monétiser cette base, car il s'agit d'un avantage qu'il est très difficile, voire impossible, pour un concurrent de rattraper. Or, on n'observe pas dans le domaine de la micro-épargne ni des néobanques qu'il existe un effet de réseau. Les clients d'une application de micro-épargne ou d'une néobanque ne tirent pas d'avantages du nombre d'utilisateurs actifs, même si ces applications peuvent essaver de créer un effet de réseau, en créant des enveloppes d'épargne partagées avec des amis ou de la famille.

39 C'est-à-dire les coûts liés au fait de changer de produit ou de service.

40 N26 définit ces espaces comme « la fonctionnalité qui permet de créer des sous-comptes pour ses projets ou mettre de l'argent de côté ».

YEELD avait ainsi fait état à ALFR d'un besoin de financement de 12,0 m€ sur la période 2021 - 2023.

Ce besoin d'un financement de 12 m€ pour développer des activités de micro-épargne s'avère sans doute réaliste, si on se réfère à l'expérience de la société Moka, citée précédemment, qui a levé au total 13,8 mCAD soit environ 9,0 m€44 en 4 rounds réalisés entre 2015 et 2019.

ALFR aurait dû réaliser un investissement complémentaire d'environ 12 m€ dans YEELD sur la période 2021 – 2023 pour créer dans la durée une véritable dynamique de conquête de nouveaux utilisateurs actifs.

3.2.3 L'ambition affichée de YEELD de devenir une néobanque nécessiterait des investissements largement hors de portée d'ALFR

Dans sa communication, notamment vis-à-vis d'ALFR, YEELD se qualifie de néobanque, ce qui constituait à la date du Projet de rapport plus une ambition qu'une réalité42.

Si YEELD considère toutefois que la pérennité de son modèle économique suppose de devenir progressivement une néobanque, la question qui se pose alors concerne le montant des investissements à consentir pour y parvenir.

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après, « ACPR ») a consacré une étude récente au secteur des néobanques43 où elle précise que ce terme « désigne les acteurs et les intermédiaires financiers, offrant des services bancaires en ligne ou accessibles par des applications 100% mobiles » et établit les constats suivants.

En premier lieu, le secteur des néobanques s'avère très concurrentiel, en comptant une trentaine de membres fin 2019, dont sept nouveaux entrant sur la seule année 2019.

En deuxième lieu, la croissance du secteur se concentre sur un nombre restreint d'acteurs, cinq établissements qualifiés de « néobanques challenger » concentrant 78% des ouvertures de compte sur l'année 201944. Il s'agit de :

  • · Nickel, un acteur racheté par BNP Paribas, la principale banque européenne ;
  • · Orange Bank, un acteur créé par Orange, le principal opérateur téléphonique français ;
  • · N26, un acteur d'origine allemande présent en France depuis 2017 ayant levé 819 m\$ depuis sa création ;
  • · Revolut, un acteur d'origine anglaise présent en France depuis 2015 ayant levé 905 m\$ depuis sa création ;
  • · Lydia, un acteur d'origine française ayant levé 160 m\$.

41 Sur la base d'un taux de change de 1 EUR = 1,53 CAD au 25 février 2020.

42 Nous constatons ainsi que YEELD n'est pas cité par le cabinet KPMG dans son étude sur le panorama des néobanques de janvier 2020.

43 ACPR, Des néobanques en quête de rentabilité, Analyses et synthèses nº113, 2020.

44 Dernière année où cette statistique était disponible à la date de l'étude de l'ACPR.

En quatrième lieu, les néobanques éprouvent des difficultés à dégager des résultats nets positifs « plusieurs années consécutives après leur création » ce qui « conduit à s'interroger sur leur viabilité ».

L'ACPR illustrait cette situation avec la figure de la page suivante présentant la dispersion des résultats nets par client obtenus par son échantillon de néobanques45.

Figure 5- Répartition des résultats nets des néobanques en euros par clients

Répartition des résultats nets9

Un article des Echos daté du 4 mars 2021 offrait plusieurs exemples du montant des investissements à consentir dans le domaine des néobanques et du caractère très incertain des profits à en attendre :

  • · BforBank, la néobanque du groupe Crédit Agricole, affichait en 2019, soit le dernier exercice dont les comptes étaient disponibles, une perte de 29,4 m€ pour des revenus de 33,8 m€. Après plusieurs années de pertes, il était indiqué qu'elle venait de bénéficier d'un apport en capital de 125 m€.
  • · Orange Bank avait cumulé 650 m€ de pertes sur les trois années suivant sa création.
  • Le groupe BCPE avait acquis la néobanque Fidor pour un montant de 150 m€ en 2016 et dépréciation sa participation à hauteur de 148 m€ en 2019.

La réalisation de l'ambition de YEELD de devenir une néobanque supposerait donc de pénétrer un secteur d'activité déjà très concurrentiel, avec une trentaine de membres fin 2019, qui nécessite de réaliser des investissements se chiffrant en dizaines voire en centaines de millions d'euros, pour une rentabilité incertaine et éloignée dans le temps.

Ce type d'investissement s'avérait hors de portée d'une société comme ALFR dont la capitalisation boursière s'élevait à 8 m€ à la date de l'annonce par YEELD de l'opération projetée.

Ainsi, nous n'avons pas été en mesure d'identifier d'acteurs dans le domaine des néobanques qui aurait financé la quasi-intégralité de son développement (c'est-à-dire au-delà d'un premier round de capital amorçage) par des levées de fonds en bourse.

45 ACPR, Des néobanques en quête de rentabilité, Analyses et synthèses nº 113, 2020, page 19.

4. Pour autant qu'ALFR aurait disposé des ressources financières suffisantes, le Projet de protocole adressé par YEELD décrivait un projet d'acquisition qui ne constituait par une opportunité de croissance externe intéressante pour une small-cap cotée comme ALFR

Après avoir exposé les principes de financement des start-ups par l'industrie du capital risque (4.1), nous verrons que le Projet de protocole décrivait un projet d'acquisition de YEELD par ALFR qui s'écartait de ces principes (4.2). Il en résultait que ce projet d'acquisition ne constituait pas une opportunité de croissance externe intéressante pour une small-cap comme ALFR (4.3).

4.1 Exposé des principes de financement des start-ups par l'industrie du capital risque

L'industrie du capital-risque (ou venture capital ou encore capital innovation) a pour objet d'apporter des financements à des sociétés récentes disposant d'un potentiel important résultant de l'introduction d'innovations, notamment technologiques.

Par nature, l'industrie du capital risque investit dans de entreprises récentes dont le concept, les produits ou les technologies n'ont pas encore fait leur preuve, ou alors à une échelle limitée, ou encore à une échelle insuffisante pour arriver à être rentable.

Afin d'imposer une discipline aux entrepreneurs, même les plus talentueux, et minimiser les pertes en cas d'échec d'un projet, l'industrie du capital repose depuis longtemps sur un certain nombre de principes pour financer des start-ups.

Le premier est l'investissement par phase.

Des investisseurs ne vont jamais fournir à une start-up la totalité du besoin de financement qui apparaît dans le plan d'affaires qui leur est soumis, c'est-à-dire la totalité du montant apparemment nécessaire jusqu'à la date où la start-up génère des cash-flows positifs.

Le Guide des bonnes pratiques du capital-innovation de France Invest indique ainsi à sa page 48 :

« En aucun cas les entrepreneurs, non plus que les autres actionnaires ou parties prenantes (fournisseurs, créanciers, salariés) ne doivent penser que l'investisseur s'est engagé à financer la société sans limite. Un investisseur en capital-innovation ne prend son risque que pour des mises déterminées et limitées, dans le cadre de sociétés où le montant des pertes des actionnaires est limité au montant de leurs apports (SA, SAS, SARL).

En cas de besoins additionnels, dus soit à de nouveaux projets ou à de nouvelles opportunités (acquisition de parts de marché ou accès à de nouvelles technologies) soit à des dérapages du plan d'affaires, l'entrepreneur pourra solliciter ses actionnaires. Toutefois, il devra démontrer le bien-fondé de sa demande et faire preuve de conviction en argumentant ses besoins complémentaires » (gras ajouté par nous).

Les investisseurs vont donc fournir les fonds nécessaires au développement d'une start-up sous la forme de rounds de financement, chaque nouveau round étant déclenché par le franchissement d'une étape de la vie de l'entreprise, que nous décrivons brièvement ci-dessous.

Le premier round de financement impliquant des investisseurs (business angels, fonds de capital venture) correspond souvent au capital d'amorçage. Les fonds levés lors de ce round ont pour objet de financer le développement du concept, d'enclencher la construction d'une base de clients, de démontrer la capacité à générer du chiffre d'affaires ou à obtenir une performance positive sur un indicateur clé de performance.

Le second round consiste dans la (les) série(s) A dont les fonds levés visent à optimiser l'offre de produits, d'industrialiser les process de manière à atteindre une masse critique sur son marché d'origine.

Le troisième round consiste dans la (les) série(s) B. Les fonds levés ont pour objectif d'accompagner la croissance d'une entreprise qui a généralement déjà atteint une taille critique sur un marché, démontrer sa capacité à atteindre la rentabilité, en lui offrant les fonds nécessaires pour accélérer son développement, notamment pour aborder de nouvelles zones géographiques.

Le quatrième round consiste dans la (les) série(s) C, qui précède, généralement, l'introduction en bourse. Le financement obtenu lors de cette série doit contribuer à accélérer le développement par développement interne ou externe de manière à atteindre la maturité permettant de procéder à une introduction en bourse.

Au fur et à mesure de ses levées de fonds, la base des investisseurs d'une start-up tend à s'élargir.

Dans ce contexte, les fonds de venture-capital n'ont pas vocation à assumer seul l'intégralité du financement du projet d'une start-up et cherchent à diversifier leur portefeuille d'investissements car la probabilité d'échec des start-ups est très élevée.

Il convient de noter que la description de l'objet de ces rounds est indicative et peut varier selon les start-ups mais permet de comprendre que la vie d'une start-up est généralement faite d'étapes à franchir, chacune de ces étapes permettant de décrocher un financement supplémentaire.

Le cas de la société Moka (précédemment dénommé Mylo), concurrent de YEELD permet d'illustrer ce processus. Fondé en 2015, Moka est le la micro-épargne au Canada où elle a lancé en 2017 une application permettant d'automatiser l'épargne et l'investissement, qui avait été téléchargée 750.000 fois mi-2020. Selon le site Crunchbase46, Moka a procédé aux rounds de financement suivants depuis sa création :

  • · octobre 2015 : réalisation d'un round d'amorçage à la création de l'entreprise pour un montant de 500kCAD47 ;
  • · mai 2017 : réalisation d'un nouveau round d'amorçage à une date proche du lancement de l'application pour un montant de 750 kCAD ;

46 Les chiffres des levées de fonds cités dans le présent rapport ont tous pour source le site Crunchbase.

47 CAD : dollar canadien.

  • janvier 2018 : réalisation d'un round d'un montant de 2,5 mCAD lorsque l'application a démontré sa capacité à obtenir une certaine traction ;
  • novembre 2019 : réalisation d'un montant de 10 mCAD permettant, notamment, à l'application d'entamer son internationalisation en abordant le marché français.

Sur une période d'environ 5 ans, la société Moka aura ainsi procédé à quatre levées de fonds d'un bur une periode à ciriller 9 à mesure où elle démontrait sa capacité à faire avancer son projet.

Le second principe de financement des start-ups est que le produit de la levée des fonds est destiné à financer leur développement. Il n'a pas vocation, sauf exception, en revanche à permettre aux fondateurs de la start-up d'obtenir une liquidité pour tout ou partie de leur participation, en particulier lors des premières levées de fonds.

La stratégie poursuivit par les start-ups consiste souvent à croître rapidement sur leur marché de manière à obtenir des économies d'échelle ou des effets de réseau, qui leur procureront un avantage mancurrentiel irréversible à long terme. L'atteinte de la rentabilité étant alors un objectif concurrenter "firerersible" de leur croissance repose sur les fonds levés lors des différents rounds. scoudaire, le maniesinent vour laquelle, ces fonds ne sont pas destinés, sauf exception, à procurer une liquidité pour tout ou partie de la participation des investisseurs de la première heure.

Ensuite, le fait pour un investisseur initial de vouloir obtenir une liquidité pour tout ou partie de sa participation, lors d'une nouvelle levée de fonds, peut être interprété comme un signal négatif parterpant les perspectives de la start-up de la part des nouveaux investisseurs. Concernant spécifiquement les fondateurs, il s'ajoute le risque qu'ils s'avèrent moins impliqués après avoir spositient partie de leur participation, alors que leur rôle est souvent considéré comme essentiel.

Le Guide des bonnes pratiques du capital-innovation de France Invest résume ce principe de la manière suivante à sa page 48 :

« Généralement, les investisseurs en capital-innovation injectent leurs fonds directement dans l'entreprise, qui en a besoin pour se développer. Il est plus rare que cet investissement soit dédié au rachat des parts des actionnaires existants.

Toutefois, il est possible d'engager une discussion sur la sortie des premiers investisseurs48 (cash out), immédiatement ou à terme, partielle ou totale. En revanche, il est très important que les fondateurs dirigeants restent fortement impliqués ; la cession de leur participation n'est souvent envisageable qu'à terme et de manière contrôlée par des clauses dites de 'respiration' » (gras ajouté par nous).

Un acteur industriel peut avoir sur ce point une logique différente d'un investisseur.

Un acteur industriel peut en effet estimer qu'acquérir l'intégralité du capital d'une start-up, même à un stade précoce de développement, présente un intérêt si les synergies sont importantes avec a un activité et s'il dispose de moyens financiers suffisamment importants, pour que l'échec de la start-up ne le mette pas en danger.

48 Et non des fondateurs dirigeants.

Les investisseurs adoptent en revanche une logique de diversification de leur portefeuille, qui les conduit à investir dans différents projets dont ils partagent le besoin de financement avec d'autres investisseurs, et de maintien des fondateurs et des investisseurs initiaux dans le capital de la startup, pour qu'ils restent impliqués dans son développement.

Le troisième principe de financement des start-ups est que les investisseurs d'un nouveau round obtiennent des droits préférentiels par rapport aux investisseurs des rounds précédents, par exemple sous la forme de droits prioritaires sur le produit de la cession des actions de la start-up, de droits pour aligner le rendement obtenu avec le montant de l'investissement effectué et les risques supportés.

Le Guide des bonnes pratiques du capital-innovation de France Invest explique ce principe de la manière suivante à sa page 63 :

« les montages de capital-innovation se caractérisent par des différences parfois considérables entre les prix de revient des actions, selon le type d'actionnaires et le moment de leur entrée au capital.

Dès lors, les risques sont inégalement répartis et les perspectives de gain sont très différents. ce qui crée des désalignements d'intérêts pouvant être très fâcheux ( ... )

Les droits préférentiels fondées sur la répartition du prix de sortie sont dès lors une nécessité pour réaligner les intérêts et lisser les risques, en évitant la démotivation des acteurs n'ayant plus de perspective de gain. En considération des montants investis et de leur prix de souscription, les investisseurs en capital-innovation négocient usuellement des protections sur leur investissement ou des mécanismes de conversion de leur prix d'entrée (voir CHAPITRE 1, §2.2). Ces droits particuliers attachés aux actions des investisseurs, de nature statutaire ou contractuelle (protocole ou pacte d'actionnaires) se traduisent in fine par le fait que la répartition du prix de cession de la société ne sera pas nécessairement proportionnelle à la répartition du capital.

Ces mécanismes sont usuellement fondés sur des rangs de priorité de récupération du montant investi, les derniers entrés étant servis en premiers (« last in first out »). Ces mécanismes tiennent compte des prix d'émission des différentes catégories d'actions, d'une manière plus ou moins adaptée (réserves, multiples, rattrapages) (... )

Ces mécanismes correspondent à des pratiques maintenant bien établies du capital-innovation, existant depuis plus de vingt ans en Franc et dans tous les pays où ce mode de financement des entreprises s'est développé » (gras ajouté par nous).

L'ouvrage Venture Capital Deal Terms49 corrobore ce principe dans les termes ainsi :

« A venture-backed company usually issues several classes (or series) of preferred shares in its lifetime - one class for each investment round. The preferred shares issued in the most recent round have senior rights compared to the preferred shares issued in the previous round (junior preferred shares). Distinguishing the rights enjoyed by different classes of preferred shares is common practice

49 Ouvrage réalisé par De Vries, H., Van Loon, M.J., Mol. S., 2016, page 52.

since the investments made at the time of the creation of each series are usually based on different valuations of the company and different circumstances, and consequently have different risk profiles » (gras ajouté par nous).

Une large étude menée sur un échantillon de 135 licornes américaines50 a récemment illustré ce principes . Elle a en effet montré que les évaluations affichées lors de la réalisation de nouveaux rounds, prenant comme postulat que toutes les actions formant leur capital disposaient des mêmes droits que les actions émises lors du dernier round, surévaluaient ces sociétés en moyenne de 48%. Cette surévaluation résulte du fait que les actions émises lors du round le plus récent disposent de droits préférentiels, comme un taux de rendement garanti, une séniorité de distribution sur toutes les autres classes d'action ou des droits de véto sur des décisions de sortie.

Enfin, le processus de valorisation d'une start-up, tout au moins dans les phases initiales de financement, repose moins sur un approche multicritères classique (mise en œuvre d'une méthode d'actualisation des flux de trésorerie futurs, de méthodes analogiques ... ) que d'une négociation portant sur le montant à investir et le pourcentage du capital à concéder aux nouveaux investisseurs.

Là encore, le Guide des bonnes pratiques du capital-innovation de France Invest expose ce principe pragmatique de la manière suivante (page 18) :

« la valorisation retenue [lors d'un round de financement] sera nécessairement un compromis entre :

  • · le besoin de valoriser suffisamment le projet pour que les fondateurs gardent un intéressement significatif au capital de leur entreprise, et,
  • le besoin de conforter les investisseurs qui vont prendre des risques en participant au tour de table et cherchent des perspectives de retour pour leur investissement.

En premier lieu, il convient de rappeler que la valorisation des sociétés financées par le capital-innovation diffère, en général, des pratiques usuelles du capitalinvestissement par la typologique même des sociétés financées, qui limite considérablement l'usage des méthodes de valorisation dites 'classiques' ( ... )

Dans ces conditions, il n'est pas raisonnable de valoriser une telle société [une startup] par référence à des sociétés comparables cotées sur un marché, d'envisager une actualisation des flux de trésorerie, qui n'existent pas ou ne sont pas significatifs dans la phase de lancement du projet, ou dont l'anticipation est par trop aléatoire ou d'adopter une approche patrimoniale alors que la valeur réside essentiellement dans le 'goodwill' » (gras ajouté par nous).

Ce principe est également exposé dans l'ouvrage Venture Capital Deal Terms52 dans les termes suivants :

50 C'est-à-dire de sociétés innovantes dont la valorisation a franchi le cap d'un milliard de dollars.

51 Gornall, W. Strebulaev, I.A., Squaring venture capital valuation with reality, 2019, working paper a paraître dans le Journal of Financial Economics.

52 Précédemment cité, page 61.

« Valuation methods (such as discounted cash flow (DCF) analysis, and earnings or revenue multiples) that may be useful for mature companies are of little use for the valuation of an early stage company. The accuracy of a DCF valuation depends on the accuracy of the forecasts used for such a valuation. If the forecasts are not accurate, the valuation is worthless. Rather than applying these traditional methods, a venture capitalist will look at the post-money valuation as a matter or percentages. Let's assume only one investor will provide the required amount of financing. The investor has determined he is willing to invest that amount in the company, provided he obtains at least a certain percentage of the shares in the company. Usually this percentage varies from 25% to 40%, regardless the amount of financing. The final percentage will, of course, be the result of negotiations between the investor and the existing shareholders. The final percentage combined with the amount of financing determines the post-money value of the company » (gras ajouté par nous).

4.2 Le Projet de protocole adressé par YEELD constituait un projet d'acquisition qui s'écartait des principes habituels de financement d'une start-up

Le Projet de protocole d'accord proposait en substance à ALFR d'acquérir la totalité des actions de YEELD, pour moitié en cash et pour moitié par échange d'actions cotées en bourse, sur la base d'une valorisation de 20 m€ déterminée, à ce stade, sur la base de l'actualisation des flux de trésorerie du plan d'affaires que YEELD lui avais soumis.

Cette proposition différait de l'ensemble des principes de financement d'une start-up que nous avons rappelé au paragraphe précédent.

YEELD était à un stade relativement précoce de son développement, ce dont témoignait le fait qu'elle n'avait réalisé qu'une levée de fonds d'un montant limité à 712 k€.

En premier lieu, le projet de YEELD aurait donc sans doute dû consister à chercher à réaliser un nouveau round de financement pour permettre à son projet de démonter sa capacité à gagner de la traction en termes d'acquisition d'utilisateurs actifs, à élargir son revenu auprès de ses utilisateurs en élargissant sa gamme de produits, à industrialiser ses process ...

Comme nous le détaillons au paragraphe 3.2, YEELD avait d'ailleurs indiqué à ALFR avoir un besoin de financement qui se chiffrait pour chacune des trois prochaines années à plusieurs millions d'euros et globalement à plus de dix millions d'euros.

En second lieu, ces financements auraient dû être entièrement consacrés au financement du développement de l'entreprise et non à organiser le rachat des actionnaires existants.

Le modèle économique de YEELD, avec le recrutement de 14.000 utilisateurs actifs à fin avril 2020, pour l'essentiel sur des offres non payantes, se situait à un stade trop précoce pour que des investisseurs offrent une porte de sortie à l'ensemble de ses actionnaires leur permettant de réaliser à cette occasion53 :

  • · un multiple de x3,8 pour les investisseurs entrés lors de l'augmentation de capital de juin 2018 ;
  • · un multiple de x80 pour les investisseurs présents avant l'augmentation de juin 201854.

Une exception à ce principe aurait été un projet d'acquisition de YEELD mené par un grand groupe estimant pourra générer d'importantes synergies avec ses activités. Comme l'avons indiqué, ALFR n'est pas un grand groupe et nous détaillerons dans la partie 5 qu'il n'existait pas de synergies avec ses activités.

En troisième lieu, la valeur de YEELD servant de base à la levée de fonds aurait dû émerger du processus de recherche de nouveaux investisseurs. Les négociations entre YEELD et de nouveaux investisseurs auraient, en effet, permis de fixer une valeur des titres au regard des besoins de financement de YEELD, du pourcentage de capital que des investisseurs estimaient nécessaire d'obtenir pour disposer de gain attractives, tout en maintenant l'intérêt de l'équipe fondatrice dans le projet. En quelque sorte, l'intelligence collective des investisseurs spécialisés en capital innovation et dans la Fintech aurait dû permettre de fixer la valeur de YEELD à ce stade de son développement.

Ainsi, la valorisation de 20 m€ indiquée dans le Projet de protocole d'accord, basée sur une simple actualisation des flux de trésorerie du plan d'affaires que YEELD avait soumis à ALFR, ne pouvait pas paraître pertinente à un investisseur.

Comme indiqué dans le Guide des bonnes pratiques du capital innovation de France Invest, la méthode DCF est inadaptée à la valorisation de société à un stade précoce de développement qui ne dispose pas d'historique d'activité significatif.

Et le recours à un expert indépendant pour affiner cette valorisation, comme cela était prévu dans le Projet de protocole d'accord, présentait peu d'intérêt pour un investisseur, par rapport au résultat d'un processus ordonné de recherche d'investisseurs.

En dernier lieu, ce projet de financement aurait dû consister en l'émission d'actions permettant aux nouveaux investisseurs de droits préférentiels par rapport aux actionnaires existants sous la forme de droits préférentiels de liquidation, de rendements garantis ...

En somme, si le Projet d'accord adressé par YEELD à ALFR le 12 novembre 2020 pouvait s'avérer satisfaisant pour les actionnaires de YEELD, qui aurait trouvé ainsi une porte de sortie financièrement très avantageuse à un investissement risqué dans une start-up à un stade encore précoce de son développement, il s'avérait très prématuré et atypique par rapport aux pratiques habituelles de marché pour un investisseur professionnel et a fortiori pour ALFR.

ss Sur la base d'une valorisation de 20 m€ pour la totalité des titres en considérant que l'ensemble des titres formant le capital dispose de droits identiques.

54 Soit le multiple obtenu sur la base d'une valorisation de 20 m€, d'un pourcentage de titres détenu par les actionnaires présents avant l'augmentation de capital de juin 2018 de 86,3% et d'un investissement pour détenir ces titres estimé à 214,6 k€ sur la base de la somme du capital et des primes d'émission.

Rappelons à cet égard que la société Moka a réalisé quatre rounds de financement sur cinq ans, alors que YEELD en a réalisé un seul en trois ans55, et avait vu son application téléchargée 750.000 fois contre 79.000 pour YEELD. Pour autant, les actionnaires de Moka n'ont pas obtenu la possibilité de céder la totalité de leurs parts.

4.3 Le Projet de protocole adressé par YEELD décrivait un projet d'acquisition qui ne constituait pas une opportunité de croissance externe intéressante pour une small-cap cotée comme ALFR

Le Projet de protocole impliquait qu'ALFR, qui disposait d'une capitalisation boursière d'environ 8 m€ à sa date d'envoi par YEELD, s'engage dans l'acquisition d'une start-up à un stade précoce de son développement pour un montant de 20 m€, tout en devant, par ailleurs, réaliser un investissement d'environ 12 m€ sur trois ans pour développer ses activités de micro-épargne et sans doute plusieurs dizaines de millions, si son modèle économique devait évoluer vers celui d'une néo-banque.

En premier lieu, nous observons que cette opération de croissance externe aurait été trop risquée pour ALFR, même si elle avait disposé des ressources financières nécessaires.

Le portefeuille d'ALFR aurait en effet été composé d'une part de son activité historique, valorisée environ 8 m€ par le marché à la date d'envoi du Protocole d'accord, et d'autre part d'un investissement dans une start-up, d'un montant de 20 m€ nécessitant au minimum un investissement complémentaire de l'ordre de 12 m€.

Ce portefeuille d'activités aurait donc été exposé majoritairement à un investissement dans une start-up qui s'avère très risqué car sa probabilité d'échec est par nature élevée.

A cet égard, on doit souligner que les investisseurs en venture capital56 ne concentrent pas ainsi leurs paris sur un seul investissement mais construisent des portefeuilles diversifiés. Et si des industriels acquièrent parfois des start-ups pour un montant élevé à un stade précoce de leur développement, le risque qu'ils prennent plus limité car ce pari se dilue dans un ensemble d'actifs beaucoup plus vaste.

Cette concentration d'un portefeuille d'activités d'ALFR dans un pari très risqué pourrait certes satisfaire des actionnaires engagés dans une activité spéculative, consistant à détenir leurs actions pendant une courte durée, pour éventuellement profiter de la volatilité causée par ce pari risqué. Elle n'apparaît pas appropriée pour une société de la taille d'ALFR qui devrait gérer le risque qu'une grande partie de son activité perde toute valeur.

En second lieu, tout investisseur aurait eu des réticences à s'engager dans un investissement dont la valorisation reposait pour l'essentiel sur ses perspectives de développement alors que :

· la question du financement de ces perspectives de développement était totalement ignorée ;

55 Si on se base sur la période de septembre 2017, où est arrivé le nouveau dirigeant de YEELD, à novembre 2020, où se sont interrompues les discussions avec ALDR.

56 Mais cela est également vrai pour tous les autres types d'actifs : LBO, infrastructures ...

  • · les actionnaires de YEELD envoyaient un signal très négatif sur leur confiance dans ces perspectives futures en cherchant à se désengager même en partie, si on considère qu'ils seraient restés indirectement actionnaire de YEELD au travers de la participation obtenue dans ALFR57 :
  • · l'implication des fondateurs de YEELD, nécessaire à la matérialisation de ces perspectives de développement, risquait d'être compromise par le fait de monétiser immédiatement la moitié de leur participation ;
  • la valorisation proposée de YEELD n'était légitimée par aucune levée de fonds ou marque d'intérêt récentes : la dernière levée de fonds datait d'environ 2 ans et avait été effectuée sur la base d'une valorisation 3,8 fois inférieure (5,2 m€) et d'un investissement 28 fois moindre (712 k€) que le montant qu'il était demandé à ALFR d'investir (20 m€).

Même si ALFR avait disposé des ressources financières nécessaires, l'acquisition de YEELD aurait représenté un projet de croissance externe qui aurait considérablement déséquilibré son portefeuille d'activités, en faveur d'un pari risqué dans une start-up disposant par nature d'une probabilité d'échec élevée.

Le caractère risqué de cet investissement était accru par le fait qu'il reposait sur des perspectives de développement qui n'étaient pas financées, auxquelles les fondateurs et actionnaires de YEELD n'auraient plus été, au mieux, qu'en partie exposées et qui n'avaient pas été validées au travers d'une levée de fonds récente.

Par conséquent, le projet d'acquisition décrit dans le Protocole d'accord pouvait peut-être satisfaire des actionnaires engagés dans une démarche spéculative consistant à profiter de la volatilité provoquée par la réalisation d'un investissement risqué, mais pas des parties prenantes soucieuses de la pérennité des activités d'ALFR, dont les dirigeants doivent s'assurer.

57 Notons toutefois que cette participation dans ALFR aurait pu être cédée sur le marché alors que les investisseurs dans une start-up ne disposent pas d'une telle liquidité.

5. Analyse des synergies et disynergies liées à un rapprochement entre ALFR et YEELD

YEELD a justifié son entrée au capital d'ALFR en affichant son ambition d'en faire, à moyen terme, le « leader de l'accession à la propriété » bien que celle-ci :

  • · ne repose pas sur une analyse précise des métiers qui pourraient être visés, de leur contexte concurrentiel, des avantages compétitifs dont dispose ALFR (5,1) ;
  • · ne correspond pas aux synergies qui avaient été mis en avant pour justifier un rapprochement auprès d'ALFR (5.2) ;
  • · soit susceptible de provoquer la méfiance des clients d'ALFR et des pertes de revenus (5,3).

5.1 Une ambition affirmée de permettre à ALFR de s'imposer comme le leader de l'accession de la propriété ne reposant pas sur une analyse précise des métiers visées, de leur contexte concurrentiel ou des avantages compétitifs dont dispose ALFR ...

Le communiqué de presse diffusé par YEELD le 18 novembre 2020 pour annoncer son entrée dans le capital d'ALFR à hauteur de 9% indiquait que « Forts de nombreuses synergies, Yeeld, propose de mutualiser leurs expertises respectives avec pour objectif de permettre, à Acheter-Louer.fr, de s'imposer, à moyen terme, comme le l'accession à la propriété » (gras ajouté par nous).

Cette ambition n'était pas affichée dans le support communiqué par YEELD à ALFR pour décrire les synergies qu'il estimait qu'un rapprochement génèrerait.

Ainsi, en l'absence de documents permettant de l'étayer, cette ambition pose de nombreuses questions.

Elle interroge, tout d'abord, sur la nature exacte des activités visées par YEELD. L'accession à la propriété est un concept vague qui peut recouvrir de nombreux métiers : la promotion immobilière, la diffusion d'annonces immobilières, le métier d'agent immobilier, la banque pour épargner et prêter en vue d'une acquisition immobilière, le courtage de prêts immobiliers et d'assurances emprunteurs ...

Nous observons qu'il existe sur chacun de ses métiers de nombreux acteurs traditionnels ou des acteurs plus récents ayant cherché à désintermédier ces métiers (par exemple, les réseaux de mandataires immobiliers) ou au contraire à s'imposer comme un intermédiaire créateur de valeur pour le client (par exemple, les courtiers en prêts immobiliers ou en assurances emprunteurs) ou encore à exploiter le potentiel des technologies digitales (par exemple, les néobanques).

Cette ambition questionne donc, ensuite, sur l'analyse qui conduirait à penser qu'ALFR et YEELD pourraient développer un modèle économique original ou disposer d'avantages compétitifs spécifiques pour affronter ces nombreux concurrents.

Affirmer que l'on dispose d'une expertise sur les réseaux ou pour exploiter une base de données n'est pas suffisant pour affronter de nombreux concurrents qui disposent déjà ou peuvent engager les compétences nécessaires dans ces domaines.

Elle interroge, enfin, sur la capacité d'une start-up de poursuivre les multiples ambitions affichées dans le cas d'espèce : micro-épargne, néobanque, accession à la propriété.

La poursuite de chacune de ces ambitions représente déjà un défi en termes de gain de clients, d'extension de l'offre, de monétisation de celle-ci, d'organisation des levées de fonds nécessaires pour financer chaque phase du développement, pour qu'il soit difficile d'accorder du crédit à la capacité d'une jeune société de les poursuivre tous.

5.2 ... qui ne correspond pas aux synergies qui avaient été mises en avant pour justifier un rapprochement auprès d'ALFR

ALFR nous a communiqué un support daté de septembre 2020 dans le lequel il était décrit les synergies visées en cas de rapprochement avec YEELD qui était au nombre de trois.

En premier lieu, YEELD mettait en avant son expertise en matière d'analyse de données et de marketing digitale permettant d'acquérir une meilleure visibilité digitale et une meilleure monétisation de sa base de données.

En second lieu, YEELD indiquait que la base d'annonces immobilières d'ALFR pourrait être proposée aux utilisateurs de YEELD épargnant pour un projet immobilier et inversement qu'il pourrait être proposé aux contacts dans les bases de données d'ALFR des parcours d'épargne adaptés.

Enfin, YEELD mettait en avant sa visibilité dans l'univers de la Fintech pour attirer les talents nécessaires à la réalisation de ces synergies.

Ces perspectives de synergies appellent les commentaires suivants.

En premier lieu, ils étaient centrés autour d'un renforcement des activités existantes d'ALFR dans le marketing digital et de YEELD dans la micro-épargne, ce qui semble assez éloigné du projet de créer le leader de l'accession à la propriété.

En second lieu, la portée des synergies questionne au regard des éléments suivants :

  • 1/ Pour autant qu'ALFR manquait des compétences nécessaires dans le domaine du marketing sur les réseaux ou l'analyse des bases de données, il aurait été beaucoup moins couteux pour elle de les embaucher plutôt que de dépenser 20 m€ pour les acquérir.
  • 2/ YEELD affichait un nombre d'utilisateurs actifs de 14.000, disposant en moyenne d'une épargne de 134€, dont 5% avec un projet immobilier. YEELD était donc en mesure d'apporter un nombre de prospects immobiliers qualifiés très limités par rapport aux bases de données d'ALFR qui comptent 9 millions d'adresses mail et 4 millions de contacts par SMS.
  • 3/ Inversement, si YEELD était intéressé à exploiter les bases de données d'ALFR pour leur fournir des propositions en matière de micro-épargne, il aurait été suffisant qu'elle s'offre une campagne marketing adaptée auprès d'ALFR et non qu'ALFR dépense 20 m€ pour acquérir YEELD.

Ces différents éléments pouvaient apparaître de nature à justifier un partenariat commercial ou technologique entre YEELD et ALFR mais pas une acquisition sur la base d'un montant de 20 m€.

5.3 ... qui est susceptible de provoquer la méfiance des clients d'ALFR et des pertes de revenus

Nous comprenons que l'ambition affichée de YEELD d'imposer ALFR comme le « leader de l'accession à la propriété » portait en germe la possibilité qu'ALFR utilise ses bases de données pour proposer les mêmes services que ceux offerts par ses clients (courtage de prêts immobiliers, d'assurances emprunteurs, d'assurance habitation ... ).

Or, les dirigeants d'ALFR nous indiqué que certains de leurs clients d'ALFR ont d'ores et déjà fait part de leurs réticences à travailler avec un fournisseur de services marketing leur faisant directement concurrence.

Une stratégie affichée de devenir le leader de l'accession à la propriété présentait donc le risque qu'ALFR perde des revenus avant même que les services qui devaient entrer en concurrence avec ceux de ses clients ne voient le jour.

Résumé - conclusion

ALFR est un site d'annonces immobilière, leader de la presse gratuite immobilière en Ile de France, qui a développé un ensemble de services marketing pour les professionnels de l'immobilier et de l'habitat, notamment au travers de la monétisation de bases de données e-mail et SAS (§ 2.1).

Elle dispose d'une taille limitée : son chiffre d'affaires et son résultat net part du groupe s'élevaient respectivement à 1.552 k€ et 65 k€ sur le premier semestre 2020, tandis que sa capitalisation boursière se montait à environ 8.500 k€ à la date du Projet de protocole d'accord.

YEELD est une start-up ayant lancé une application de micro-épargne en mars 2019. Son application vise à inciter ses utilisateurs à épargner de manière ludique (§ 2.2).

Elle était encore à un stade précoce de développement à la date de réception du Projet de protocole d'accord. Elle n'avait, en effet, bénéficié que d'une levée de fonds d'amorçage d'un montant de 712 k€, en juin 2018, et attiré 14.000 utilisateurs actifs, dont 7% ayant souscrit une offre avec un abonnement payant, à la fin du mois d'avril 2020.

Le Projet de protocole d'accord adressé le 12 novembre 2020 par le dirigeant de YEELD à ALFR (§ 2.3) décrivait un projet d'acquisition de YEELD par ALFR sur la base d'une valorisation de 20 m€, sous réserve d'un rapport à réaliser par un expert indépendant, payée pour moitié en cash (10 m€ à payer en dix mensualités de 1 m€ entre janvier et octobre 2021) et pour moitié par émission d'actions.

Le Projet de protocole d'accord prévoyait également une modification de la structure de gouvernance d'ALFR avec la mission en place d'un conseil d'administration de 5 membres dont 3 proposés par YEELD.

C'est dans ce contexte que le directoire d'ALFR nous a mandaté afin de donner un avis indépendant sur la valorisation de YEELD affichée dans le Projet de protocole d'accord.

Or, la valorisation de YEELD ne peut être réalisée sur la base des critères habituellement retenus (DCF, méthodes analogiques...) compte tenu de son stade de développement précoce et son absence d'historique d'activité significatif (§ 4.2).

Elle aurait dû ressortir du processus de recherche de nouveaux investisseurs et des négociations qui se seraient engagés autour des besoins de financement de YEELD, du pourcentage de capital que des investisseurs auraient estimé nécessaire d'obtenir pour disposer de perspectives de gain attractives, tout en maintenant l'intérêt de l'équipe fondatrice dans le projet.

Nos analyses ont donc porté sur l'intérêt économique et financier du projet d'acquisition de YEELD.

Nos conclusions sont les suivantes :

En premier lieu, nous observons qu'ALFR ne disposait pas à la date d'envoi du Protocole d'accord des ressources financières nécessaires pour procéder à l'acquisition de YEELD dans les conditions qui lui étaient proposées.

Notre analyse fait, en effet, apparaître qu'ALFR disposait de ressources financières immédiates limitées, comprises dans une fourchette de 3,0 m€ à 4,5 m€ sur les dix premiers mois de 2021.

Plus généralement, ALFR disposait d'une taille trop limitée, à la date du Projet de protocole d'accord, pour financer les besoins de développement d'un acteur du domaine de la micro-épargne ou une néobanque en compétition avec des acteurs mieux financés.

En deuxième lieu, même si pour les besoins du raisonnement on considère qu'ALFR disposait des ressources financières pour procéder à l'acquisition de YEELD, selon les termes indiqués dans le Protocole d'accord que YEELD lui avait adressé, une telle opération de croissance externe s'avérait trop risquée pour ALFR.

Elle l'aurait en effet conduite à concentrer et ainsi déséquilibrer son portefeuille d'activités en faveur d'un investissement très risqué, compte tenu de la forte probabilité d'échec observé sur les start-ups.

Le caractère risqué de cet investissement était accru par le fait qu'il reposait sur des perspectives de développement qui n'étaient pas financées, auxquelles les fondateurs et actionnaires de YEELD n'auraient plus été, au mieux, qu'en partie exposées et qui n'avaient pas été validées au travers d'une levée de fonds récente.

Si cette opération pouvait s'avérer satisfaisante pour les actionnaires de YEELD, qui auraient ainsi trouvé une porte de sortie à leur investissement dans une start-up à un stade encore précoce de son développement, ou pour des actionnaires engagées dans une démarche spéculative vis-à-vis des actions d'ALFR, dans le sens où ils n'auraient cherché qu'à profiter de la forte volatilité induite par la réalisation d'un investissement très risqué, elle n'était pas dans l'intérêt d'actionnaires soucieux des perspectives à long terme d'ALFR.

En dernier lieu, nous observons que l'acquisition de YEELD par ALFR ne pouvait se justifier par les synergies créées par une telle opération (§ 5.).

YEELD a justifié son entrée au capital d'ALFR en affichant son ambition d'en faire, à moyen terme, le « leader de l'accession à la propriété ».

Or, cette ambition ne repose pas :

  • · sur une analyse précise des métiers qui seraient visés, de leur contexte concurrentiel ou des avantages concurrentiels dont dispose ALFR ;
  • ni sur les synergies qui avaient mis en avant auprès d'ALFR pour justifier leur rapprochement.

Au demeurant, nous notons que ces synergies apparaissent limitées et auraient plus justifié un partenariat commercial ou technologique qu'une acquisition.

Surtout, l'ambition affichée de devenir le « l'accession à la propriété » pouvait apparaître comme un risque pour les clients d'ALFR de voir cette dernière les concurrencer.

La mise en œuvre d'une stratégie consistant à devenir le l'accession à la propriété faisait donc courir le risque à ALFR de perdre les revenus de clients qui n'aurait pas accepté qu'elle les concurrence.

L'opération proposée par YEELD et ses actionnaires n'apparait donc pas dans l'intérêt économique et financier d'ALFR ou ses actionnaires.

Fait à Paris, le 8 avril 2021

Cabinet Didier Kling Expertise & Conseil

Teddy Guermeau

  • Bidier Kling

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