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Equinor

Legal Proceedings Report Mar 20, 2025

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Jeudi 13 février 2025 / N° 37

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SOMMAIRE ANALYTIQUE

Commission de régulation de l'énergie

112 Décision no 08-40-23 du 20 janvier 2025 du comité de règlement et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie à l'égard des sociétés Danske Commodities A/S et Equinor ASA

Annonces

146 Demandes de changement de nom (textes 146 à 153)

Décision no 08-40-23 du 20 janvier 2025 du comité de règlement et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie à l'égard des sociétés Danske Commodities A/S et Equinor ASA

NOR : CREE2504352S

Une saisine du comité de règlement des différends et des sanctions (le « CoRDiS » ou le « comité ») a été introduite par la présidente de la Commission de régulation de l'énergie (la « CRE »), et enregistrée le 20 novembre 2023, sous le numéro 08-40-23, à l'encontre des sociétés Danske Commodities A/S (la « société Danske ») et Equinor ASA (la « société Equinor »).

Cette demande est relative à la méconnaissance, par les sociétés Danske et Equinor, des dispositions de l'article 5 du règlement européen (UE) no 1227/2011 du Parlement Européen et du Conseil du 25 octobre 2011 (« règlement REMIT »).

1. Procédure suivie par la présidente de la Commission de régulation de l'énergie

1.1. Ouverture d'une enquête

L'article L. 131-2 du code de l'énergie dispose que la CRE : « surveille, pour l'électricité et pour le gaz naturel, les transactions effectuées entre fournisseurs, négociants et producteurs, les transactions effectuées sur les marchés organisés ainsi que les échanges aux frontières ».

Le 17 mars 2021, en application de l'alinéa 1er de l'article L. 135-3 du code de l'énergie (1), le président de la CRE a désigné un agent des services de la CRE (l'« agent enquêteur »), aux !ns de procéder à une enquête a!n de déterminer si les sociétés Danske, Equinor et leurs !liales s'étaient livrées, le 1er juillet 2019 et le 6 juillet 2020, à des pratiques susceptibles de constituer des manquements aux dispositions de l'article 5 du règlement REMIT.

Par un courrier du 17 mars 2021, les sociétés Danske et Equinor ont été informées de l'ouverture de l'enquête.

Le 17 octobre 2022, la Présidente de la CRE a désigné un nouvel agent des services de la CRE, en remplacement de l'agent-enquêteur, aux mêmes !ns (aussi désigné l'« agent enquêteur »).

1.2. Demandes de l'agent enquêteur

1.2.1. A la société Danske

Par un courrier du 22 avril 2021, l'agent enquêteur a adressé à la société Danske une première demande d'informations.

Par un courrier électronique du 21 mai 2021, la société Danske a sollicité un délai supplémentaire a!n d'apporter ses éléments de réponse. Par un courrier électronique du 26 mai 2021, l'agent enquêteur a répondu favorablement à cette demande de délai supplémentaire.

Par un courrier électronique du 2 juin 2021, la société Danske a adressé à la CRE une demande de précision pour répondre à la demande d'information du 22 avril 2021. Par un courrier électronique du 3 juin 2021, l'agent enquêteur a répondu à cette demande de précision.

Par un courrier électronique du 29 juillet 2021, la société Danske a répondu à la demande d'informations du 22 avril 2021.

Par un courrier du 2 novembre 2021, l'agent enquêteur a adressé à la société Danske une deuxième demande d'informations.

Par un courrier électronique du 9 décembre 2021, la société Danske a répondu à la demande d'informations du 2 novembre 2021.

Par le courrier du 24 mai 2022, l'agent enquêteur a adressé à la société Danske une troisième demande d'informations.

Par un courrier électronique du 11 juillet 2022, la société Danske a répondu à la demande d'informations du 24 mai 2022.

Par un courrier du 14 novembre 2022, la société Danske a demandé des précisions sur la procédure d'enquête. Par un courrier électronique du 1er décembre 2022, l'agent enquêteur a répondu à la demande de précision sur la procédure d'enquête du 14 novembre 2022.

1.2.2. A la société Equinor

Par un courrier du 11 mai 2021, l'agent enquêteur a adressé à la société Equinor une première demande d'informations.

Par un courrier électronique du 10 juin 2021, la société Equinor a sollicité un délai supplémentaire a!n d'apporter ses éléments de réponse. Par un courrier électronique du 11 juin 2021, l'agent enquêteur a répondu favorablement à cette demande de délai supplémentaire.

Par un courrier électronique du 31 août 2021, la société Equinor, représentée par Me Paroche, cabinet Hogan Lovells LLP, a répondu à la demande d'informations du 11 mai 2021.

Par un courrier du 2 novembre 2021, l'agent enquêteur a adressé à la société Equinor une deuxième demande d'informations.

Par un courrier électronique du 14 décembre 2021, la société Equinor, représentée par Me Verney, cabinet Hogan Lovells LLP, a répondu à la demande d'informations du 2 novembre 2021.

Par un courrier du 24 mai 2022, l'agent enquêteur a adressé à la société Equinor une troisième demande d'informations.

Par un courrier électronique du 28 juin 2022, la société Equinor, représentée par Me Paroche, a répondu à la demande d'informations du 24 mai 2022.

Par un courrier du 15 novembre 2022, la société Equinor, représentée par Me Verney, a demandé des précisions sur la procédure d'enquête.

Par un courrier électronique du 16 novembre 2022, l'agent enquêteur a répondu à la demande de précision sur la procédure d'enquête du 15 novembre 2022.

1.3. Noti!cation d'un procès-verbal

Le 10 octobre 2022, l'agent-enquêteur a établi le procès-verbal no CRE-03-2021-BD, en application de l'article L. 135-12 du code de l'énergie (le « procès-verbal »).

Le procès-verbal présente, tout d'abord, la procédure suivie par la CRE ainsi que les marchés et l'entreprise concernés, avant de décrire les faits à l'origine de l'ouverture de l'enquête.

Le procès-verbal met ainsi en avant un comportement suspect des sociétés Danske et Equinor à l'occasion des enchères annuelles de capacités de transport de gaz de la France vers l'Espagne au Point d'Interconnexion Réseau (« PIR Pirineos ») tenues le 1er juillet 2019 et le 6 juillet 2020, respectivement pour les années gazières 2019-2020 et 2020-2021.

Dans le procès-verbal, l'agent enquêteur fait notamment valoir :

  • que, lors des années gazières 2019-2020 et 2020-2021, les volumes de capacités annuelles vendues au PIR Pirineos ont été quasiment nuls, alors même que les demandes au premier tour de ces enchères dépassaient la quantité proposée à la vente. La saturation de la demande au premier tour, ainsi occasionnée, a activé le tarif de congestion qui permet de béné!cier de tarifs réduits sur l'acquisition de capacités infra-annuelles, en application des règles tarifaires en vigueur ;
  • que les sociétés Danske et Equinor ont été les seules à participer à ces enchères et ont formulé des demandes totales de capacités de transport supérieures à la quantité offerte de 82.286 kWh/h aux premiers tours des enchères, puis des demandes totales inférieures à 2 kWh/h aux tours d'enchères suivants, alors que les prix avaient augmenté de seulement 1 % entre le premier et le deuxième tour et de 0,2 % entre le premier et le troisième tour ;
  • que, lors des années gazières 2019-2020 et 2020-2021, l'indicateur d'opportunité, qui se dé!nit comme la rentabilité d'une opération de réservation de capacité déterminée par la différence entre, d'une part, l'écart de prix entre le Punto Virtual de Balance (« PVB ») et le Point d'Echange de Gaz (« PEG ») et, d'autre part, le prix d'acquisition des capacités, était légèrement positif à l'approche de l'enchère du 1er juillet 2019 et négatif à l'approche de celle du 6 juillet 2020. Il en résulte que les indicateurs d'opportunités pour les enchères de capacités annuelles visées par le procès-verbal n'ont pas été de nature à attirer les acteurs de marché et que le fait que les sociétés Danske et Equinor, seules participantes à ces enchères, aient décidé de participer à ces dernières ne saurait, par conséquent, s'expliquer par les seuls fondamentaux de marché au regard de l'indicateur d'opportunité ;
  • que, les sociétés Danske et Equinor sont suspectées d'avoir agi de manière concertée pour combiner les volumes de leurs demandes lors du premier tour de ces enchères a!n de dépasser l'offre totale, le soupçon d'une action concertée ayant été renforcé notamment par la présence de liens capitalistiques entre les sociétés Danske et Equinor à la suite du rachat, en 2019, par la société Equinor de la totalité du capital social de la société Danske […] ;
  • que les sociétés Danske et Equinor n'ont pas fourni d'explications convaincantes de leurs comportements et, au surplus, que la société Danske a fourni des éléments qui révèlent son objectif de saturer les premiers tours des enchères litigieuses ;
  • que, la société Danske a souscrit une quantité importante de capacités infra-annuelles à prix réduit lors des années gazières 2019-2020 et 2020-2021, béné!ciant ainsi directement de la réduction tarifaire appliquée sur ces capacités infra-annuelles.

Sur le fondement de cette analyse et des éléments recueillis dans le cadre de l'enquête, le procès-verbal conclut que les sociétés Danske et Equinor ont méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement REMIT qui prohibent les manipulations de marché.

Par un courrier du 17 avril 2023, le procès-verbal a été noti!é aux sociétés Danske et Equinor.

1.4. Observations des sociétés en réponse au procès-verbal

1.4.1. Observations de la société Danske

Le 10 juillet 2023, la société Danske a adressé ses observations écrites concernant les manquements constatés dans le procès-verbal, a conclu à l'absence de violation du règlement REMIT et demandé à la CRE de ne pas transmettre la présente affaire au CoRDiS.

Elle a fait valoir :

  • que les demandes de réservation de capacité dans le cadre d'enchères sont, par nature, authentiques, car une fois qu'un acteur du marché a soumis ses demandes de réservation et que le tour est clôturé, il s'engage à les exécuter. Ainsi, si la société Danske, avait réussi à acquérir 100 % de la capacité à l'issue du 1er tour, elle aurait été tenue d'en payer le prix et de l'utiliser ;
  • que les demandes de réservation de la société Danske n'ont pas envoyé d'indications fausses ou trompeuses car elles indiquaient au marché qu'un opérateur était prêt à acquérir la totalité de la capacité annuelle dans les conditions et prix !xés au premier tour, ce que la société Danske aurait fait si la demande de réservation avait été acceptée ;
  • que la demande de réservation pour l'ensemble de la capacité annuelle était rationnelle car conforme aux fondamentaux du marché, tels qu'analysés et modélisés par la société Danske dans son document « Stratégie Enchères » ;
  • que la décision de la société Danske de ne pas soumettre une demande de réservation pour la totalité de la capacité lors du second tour re!était purement et simplement un changement dans les fondamentaux du marché à la suite de la majoration du prix d'enchère entre le premier et le second tour et de la suppression des multiplicateurs tarifaires pour les capacités infra-annuelles, la combinaison de ces deux facteurs ayant rendu les capacités infra-annuelles plus attractives ;
  • que la société Danske n'a pas retiré ou annulé ses demandes de réservation et n'aurait pas pu le faire, mais s'est contentée de ne pas les « réitérer » car elle a soumis ses demandes de réservations pour le premier tour des enchères mais n'était nullement tenue de faire de même pour le second tour ;
  • que chaque tour d'enchères procède de manière autonome et les indications envoyées par la société Danske à travers ses demandes de réservation n'étaient valables que pour le premier tour des enchères, sans que les acteurs du marché ne puissent les interpréter comme toujours pertinentes au stade du second tour ;
  • que si la CRE allègue que les sociétés Danske et Equinor ont agi de manière concertée, la collusion, à supposer qu'elle soit démontrée, ne suf!t pas à caractériser une manipulation de marché ;
  • que la société Danske n'a pas « !xé » le prix de la capacité infra-annuelle à un niveau arti!ciel puisque ce dernier a été la conséquence directe des règles du marché applicables et approuvées par le régulateur et qu'ainsi, les ordres passés par la société Danske, qui s'est contentée de suivre la structure du marché et ses règles, étaient donc authentiques et suivaient des raisons légitimes ainsi qu'une pratique de marché admise.

1.4.2. Observations de la société Equinor

Le 3 juillet 2023, la société Equinor a adressé ses observations écrites concernant les manquements constatés dans le procès-verbal, a conclu à l'absence de violation du règlement REMIT et demandé à la CRE de ne pas transmettre la présente affaire au CoRDiS.

Elle a fait valoir :

  • que le comportement de la société Equinor lors des enchères ne constitue pas une manipulation de marché puisque les ordres qu'elle a passés et qui portaient sur un volume de capacité de 1 kWh/h étaient authentiques ;
  • que la réservation d'une capacité minimale par la société Equinor, requise pour l'accès à la plateforme de nomination de la société Enagas « SL-ATR » a!n qu'elle puisse honorer ses contrats de vente de gaz dans le système gazier espagnol, re!était un véritable intérêt pour l'achat ou la vente de gaz et était économiquement rationnelle ;
  • que cette stratégie de la société Equinor, qui a adopté tout au long des enchères un comportement cohérent, ses demandes de capacités ne variant pas jusqu'au dernier tour des enchères, ne pouvait pas être considérée par les acteurs de marché comme atypique dans la mesure où elle s'inscrit dans une pratique établie et cohérente avec sa stratégie de réservation sur les quatre dernières années et n'était donc pas susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses ;
  • que sa réservation de capacités minimales lors des enchères, qui représente 10 fois moins que la consommation annuelle d'un ménage français (10 kWh/h) et moins de 20 euros par an, n'a pas pu entrainer, en tant que telle, de modi!cation du niveau de prix des capacités ;
  • que la saturation des enchères ne résulte pas d'une action concertée entre les sociétés Equinor et Danske comme en attestent, d'une part, le programme de conformité de la société Equinor constitué, notamment, d'un

manuel et d'un atelier sur la conformité aux règles sur les abus de marché, de lignes directrices relatives à la conformité au REMIT et d'une formation e-learning au REMIT et, d'autre part, le code de conduite d'Equinor ;

  • que la souscription par la société Equinor d'une capacité de 1 kWh/h aux enchères relève exclusivement d'une stratégie qui lui est propre, déconnectée de celle de la société Danske et que le procès-verbal ne fournit pas la moindre preuve que les salariés de ces sociétés ont effectivement discuté des stratégies concernant les enchères ;
  • que le préjudice prétendument subi par la société Teréga et les consommateurs !naux ne peut en aucun cas être imputé au comportement de la société Equinor, dont la souscription d'une capacité de 1 kWh/h était en elle-même insuf!sante pour déclencher l'application du tarif congestionné aux enchères de capacités infraannuelles.

2. Saisine du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie

Le 13 novembre 2023, la présidente de la CRE a, en application de l'article L. 134-25 du code de l'énergie, saisi le CoRDiS d'une demande de sanction à l'encontre des sociétés Danske et Equinor, en raison des manquements constatés dans le procès-verbal.

Le 20 novembre 2023, le président du CoRDiS a accusé réception de cette demande de sanction, enregistrée sous le no 08-40-23, et des pièces qui y sont annexées.

3. Instruction de la demande de sanction

Par une décision du 27 novembre 2023, prise en application des articles L. 134-25-1 (2) et R. 134-30 (3) du code de l'énergie, le président du CoRDiS a désigné Mme Ducloz en qualité de membre du comité en charge de l'instruction (la « membre désignée »).

Le 8 décembre 2023, la membre désignée a noti!é aux sociétés Danske et Equinor une copie de la saisine du CoRDiS et de la décision de son président la désignant pour l'instruction de cette demande.

Par un courrier du 10 juin 2024, Me Willis, cabinet Bird & Bird LLP, représentant la société Danske, a demandé à la membre désignée de bien vouloir lui indiquer, dans la mesure du possible, le calendrier des prochaines étapes ou mesures procédurales relatives à cette demande de sanction.

4. Noti!cation des griefs

4.1. Cadre juridique

Il résulte des dispositions des articles L. 134-25, L. 134-27 et L. 134-31 du code de l'énergie qu'en cas de manquement constaté dans les conditions prévues à l'article L. 135-12 de ce code, après l'envoi d'une noti!cation des griefs à l'intéressé qui est mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites et orales assisté par une personne de son choix, le CoRDiS peut prononcer une sanction à l'encontre de l'auteur de ce manquement.

L'article 14 de la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du CoRDiS précise que : « s'il y a lieu, le membre désigné noti!e les griefs, les sanctions encourues et la sanction qu'il entend proposer au comité de règlement des différends et des sanctions. Cette noti!cation est adressée à la personne mise en cause qui dispose d'un délai ne pouvant pas être inférieur à quinze jours pour présenter au comité de règlement des différends et des sanctions ses observations écrites ».

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de manquement aux règles dé!nies aux articles 3, 4, 5, 8, 9 et 15 du règlement REMIT constaté dans les conditions prévues à l'article L. 135-12 du code de l'énergie, le membre désigné du CoRDiS peut noti!er des griefs à l'auteur de ce manquement, sans le mettre préalablement en demeure.

4.2. Griefs retenus par la membre désignée

4.2.1.1. A l'encontre de la société Danske

Le 27 septembre 2024, la membre désignée du CoRDiS a fait grief à la société Danske d'avoir violé les dispositions de l'article 5 du règlement REMIT qui interdisent de procéder ou d'essayer de procéder à des manipulations de marché sur les marchés de gros de l'énergie, tels que ces agissements sont dé!nis par l'article 2, paragraphe 2, du même règlement, dès lors :

  • que la réservation par la société Danske de 82.286 kWh/h au premier tour des enchères du 1er juillet 2019 et du 6 juillet 2020 ne correspond à aucun besoin physique ni aucune volonté réelle d'acquisition et n'a été guidée que par la volonté d'acquérir à prix réduit des capacités de transport en gaz sur le marché de capacités infraannuelles, envoyant ainsi des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'état de la demande de capacités de transport annuelles de gaz de la France vers l'Espagne (REMIT, art. 2(2), a, i ;
  • que la réservation par la société Danske, en concertation avec la société Equinor, de 82.286 kWh/h au premier tour de ces mêmes enchères de capacité annuels du gaz tenues le 1er juillet 2019 et le 6 juillet 2020, soit du volume maximum de capacité proposé à la vente, sans intention réelle d'acquérir les capacités souscrites, n'a été effectuée que pour causer la congestion du marché a!n d'entraîner l'application des règles tarifaires de

suppression des multiplicateurs de prix sur le marché de capacités infra-annuelles du gaz, ce qui a, par suite, eu pour effet de !xer le prix d'un produit énergétique de gros à un niveau arti!ciel (REMIT, art. 2(2), a, ii.

La membre désignée relève que les sociétés Danske et Equinor, qui étaient les seules à participer aux enchères litigieuses, ont, par leurs demandes de réservations de capacité de transport, entraîné la congestion des enchères de capacité annuelles et, en conséquence, la suppression des multiplicateurs tarifaires sur les capacités infra-annuelles, qui ont pu ensuite être acquises à prix réduit par ces sociétés, ce que la société Danske ne conteste pas.

Elle af!rme qu'il y a ainsi lieu d'examiner si les faits reprochés à la société Danske peuvent être quali!és de « manipulation de marché » comme dé!nit par le règlement REMIT, et soutient :

  • au regard de l'article 2(2), a, i du règlement REMIT, que le procès-verbal relève, à raison, que la stratégie de la société Danske consistant à saturer le premier tour de ces enchères, était intentionnelle et a, au demeurant, fonctionné puisque la société Equinor a demandé le minimum possible, soit 1 kWh/h, entraînant la saturation de l'enchère ;
  • que les réservations de capacités effectuées par la société Danske, lors de ces enchères, qui ne constituent pas des actes non authentiques, avaient pour objectif celui de la suppression des multiplicateurs tarifaires sur le marché de capacité infra-annuelle a!n d'obtenir le meilleur prix sur ce marché, ce qui est attesté par (i) le faible niveau de préparation pour sa stratégie d'acquisition de capacités lors des enchères litigieuses, qui dénote avec la préparation lors de ses enchères passées, (ii) le fait que cet objectif constituait l'intérêt réel de ces opérations, étant précisé que leurs intérêts économiques étaient, pour la société Danske, très faibles voire inexistants et (iii) le fait que ces opérations ne soient pas justi!ées par l'obligation de réserver des capacités minimales pour pouvoir accéder à la capacité sur le système espagnol via les procédures de sur-nomination, moyen sur lequel la société Danske est par ailleurs revenue, dans sa réponse à une demande de l'agent enquêteur du 22 avril 2021, et n'explique ce comportement par aucune considération économique rationnelle ;
  • qu'il se déduit de l'état du marché, avant et après les ordres effectués par la société Danske lors des enchères de capacités annuelles, que les niveaux de prix constatés sur le marché des capacités infra-annuelles n'auraient pas été les mêmes si les ordres litigieux n'avaient pas été passés et que, par cette action, la société Danske a donc envoyé une information fausse et trompeuse sur l'état de la demande du marché de capacité annuelles, en laissant croire que la demande sur les capacités annuelles au PIR Pirineos était supérieure à l'offre présente sur le marché ;
  • au regard de l'article 2(2), a, ii du règlement REMIT, qu'il est possible d'établir un faisceau d'indices précis et concordants démontrant la présence d'une action concertée entre les sociétés Danske et Equinor lors des enchères susmentionnées, dès lors :
  • que la volonté de la société Danske d'effectuer des réservations de capacité annuelle à hauteur de 82.286 kWh/h ne s'explique que par le fait qu'elle ait eu l'assurance de ne pas encourir les risques y étant liés en étant certaine de la congestion du marché des capacités annuelles ;
  • que ce comportement a eu lieu postérieurement au rachat de la société Danske par la société Equinor et n'a cessé qu'à compter de l'ouverture de l'enquête ;
  • que les règles d'engagements instaurées entre ces sociétés pour encadrer leurs rapports sont insuf!santes pour écarter la possibilité de l'existence d'une proximité informelle forte entre les deux sociétés, celles-ci partageant régulièrement des informations et documents dédiés à l'estimation de l'offre et de la demande du gaz naturel ainsi que des retours d'expérience lors des réunions intitulées « Gas Analysis Network » […] ;
  • que les raisons mises en avant par la société Equinor pour justi!er le maintien de souscriptions annuelles minimales n'étant pas cohérentes, il doit être considéré que la !xation du prix des capacités infra-annuelles à travers la souscription des capacités annuelles n'a pu être réalisée que par la combinaison volontaire des souscriptions de capacités des sociétés Danske et Equinor, les deux seules participantes aux enchères litigieuses ;
  • que le prix est « arti!ciel » en ce que sans les ordres effectués conjointement par les sociétés mises en cause lors des enchères litigieuses, les autres acteurs du marché auraient été exposés à d'autres niveaux de prix sur le marché de capacités infra-annuelles.

Après avoir apprécié la gravité des manquements, la situation de la société Danske, l'ampleur des dommages éventuels et les avantages éventuellement retirés, la membre désignée considère qu'une sanction pécuniaire doit être prononcée à l'encontre de la société Danske, pour un montant qui devrait être compris entre 6.000.000 et 8.000.000 d'euros.

En outre, la membre désignée considère qu'eu égard aux exigences d'intérêt général qui s'attachent à ce que la décision de sanction du CoRDiS soit connue de l'ensemble des acteurs du marché de l'énergie, notamment pour prévenir la commission de faits de même nature que ceux visés par la présente procédure de sanction, le CoRDiS devrait décider que la décision de sanction à intervenir sera publiée, sous réserve des secrets protégés par la loi :

  • au Journal of!ciel de la République française ;
  • sur le site internet de la CRE, en précisant que la publication sur le site internet de la CRE ne permettra plus d'identi!er la société Danske après l'expiration d'un délai d'un an à compter de la première mise en ligne ; et
  • aux frais de la société Danske, sur son site internet, pendant une durée de six mois, ainsi que dans la plus prochaine communication publique faite par la société Danske, en particulier à l'intention de la communauté !nancière, selon des modalités qu'il appartiendra au CoRDiS de préciser le cas échéant.

Conformément aux dispositions de l'article R. 134-32 du code de l'énergie, la société Danske a été invitée à présenter ses observations en réponse avant le 28 octobre 2024, à 12 heures et à consulter le dossier.

4.2.1.2. A l'encontre de la société Equinor

Le 27 septembre 2024, la membre désignée du CoRDiS a fait grief à la société Equinor d'avoir violé les dispositions de l'article 5 du règlement REMIT qui interdisent de procéder ou d'essayer de procéder à des manipulations de marché sur les marchés de gros de l'énergie, tels que ces agissements sont dé!nis par l'article 2, paragraphe 2, a, ii du même règlement, dès lors que la réservation par la société Equinor, en concertation avec sa société !liale Danske, de 1 kWh/h au premier tour des enchères de capacité annuels du gaz tenues le 1er juillet 2019 et le 6 juillet 2020, soit du volume minimum de capacité proposé à la vente, sans intention réelle d'acquérir les capacités souscrites, n'a été effectuée que pour causer la congestion du marché a!n d'entraîner l'application des règles tarifaires de suppression des multiplicateurs de prix sur le marché de capacités infra-annuelles du gaz, ce qui a, par suite, eu pour effet de !xer le prix d'un produit énergétique de gros à un niveau arti!ciel au béné!ce de Danske.

La membre désignée relève que les sociétés Equinor et Danske, qui étaient les seules à participer aux enchères litigieuses, ont, par leurs demandes de réservations de capacité de transport, entraîné la congestion des enchères de capacité annuelles et, en conséquence, la suppression des multiplicateurs tarifaires sur les capacités infra-annuelles, qui ont pu ensuite être acquises à prix réduit par ces sociétés, ce que la société Equinor ne conteste pas.

La membre désignée af!rme qu'il y a ainsi lieu d'examiner si les faits reprochés à la société Equinor peuvent être quali!és de « manipulation de marché » au regard de l'article 2(2), a, ii du règlement REMIT et soutient :

  • qu'il est possible d'établir un faisceau d'indices précis et concordants démontrant la présence d'une action concertée entre les sociétés Equinor et Danske lors des enchères susmentionnées ;
  • en premier lieu, que les explications données par la société Equinor en réponse aux interrogations de l'agent enquêteur pour justi!er sa stratégie d'acquisition de capacités n'étant pas cohérentes, les demandes effectuées lors des enchères litigieuses, qui ne correspondent à aucun besoin physique réel, constituent des actes nonauthentiques ;
  • que la volonté de la société Equinor de demander des quantités minimales de capacités lors des enchères litigieuses ne peut s'expliquer par son besoin de détenir de la capacité de transfert au PIR Pirineos a!n de pouvoir accéder au statut d'expéditeur en Espagne et d'être autorisée à des sur-nominations sur le réseau de la société Enagas, dans la mesure où cette société a informé […] de la société Equinor le 16 avril 2018, à la demande de cette dernière, qu'une telle obligation n'existait pas ; les volumes attribués à la société Equinor à l'issue des enchères litigieuses n'ont pas été utilisés, et, en tout état de cause le volume de gaz transporté avec une capacité si faible ne pouvait re!éter la couverture d'un besoin physique réel ;
  • qu'en outre, bien que la société Equinor justi!e son comportement par […], d'une part, les offres effectuées lors des enchères litigieuses ayant un caractère anonyme, la détention des capacités en cause n'est pas de nature à envoyer un signal au marché, et, d'autre part […]. Il est par ailleurs de notoriété publique que l'Espagne s'approvisionne en gaz provenant de Norvège ;
  • en!n, qu'en procédant ainsi, la société Equinor a ignoré les règles de la société Teréga établissant l'accès au PIR Pirineos ;
  • en deuxième lieu, que la volonté de la société Danske, !liale de la société Equinor, d'effectuer des réservations aux premiers tours des enchères visées, à hauteur de 82.286 kWh/h, ne semble pouvoir s'expliquer que par le fait qu'elle ait eu l'assurance de ne pas encourir les risques y étant liés en étant certaine de la congestion du marché des capacités annuelles, en ce que (i) cette certitude ressort clairement des éléments d'explication fournis par elle-même en réponse aux demandes de l'agent enquêteur, attestant de son faible niveau de préparation alors que le niveau d'exposition !nancière engendré par les demandes de réservations en cause est estimé, par la société Danske, à 1.210.987 euros et (ii) que ces réservations ne s'expliquent pas par les fondamentaux de marchés constatés au moment des enchères litigieuses ;
  • en troisième lieu, qu'un faisceau d'indices graves, précis et concordant tendant à démontrer l'existence d'un lien de proximité entre ces sociétés, qui renforce l'hypothèse de l'élaboration d'une stratégie commune concernant les enchères litigieuses, peut être établi, dès lors :
  • que le comportement en cause a eu lieu postérieurement au rachat par la société Equinor de la société Danske et n'a cessé qu'à compter de l'ouverture de la présente enquête ;
  • que les règles d'engagements instaurées entre ces sociétés pour encadrer leurs rapports sont insuf!santes pour écarter la possibilité de l'existence d'une proximité informelle forte entre les deux sociétés, celles-ci partageant régulièrement des informations et documents dédiés à l'estimation de l'offre et de la demande du gaz naturel ainsi que des retours d'expérience lors des réunions intitulées « Gas Analysis Network » […] ;
  • que le prix est « arti!ciel » en ce que, sans les ordres effectués conjointement par les sociétés mises en cause lors des enchères litigieuses, les autres acteurs du marché auraient été exposés à d'autres niveaux de prix sur le marché de capacités infra-annuelles.

Après avoir apprécié la gravité des manquements, la situation de la société Equinor, l'ampleur des dommages éventuels et les avantages éventuellement retirés, la membre désignée considère qu'une sanction pécuniaire doit être prononcée à l'encontre de la société Equinor, pour un montant qui devrait être compris entre 3.000.000 et 4.000.000 d'euros.

En outre, la membre désignée considère qu'eu égard aux exigences d'intérêt général qui s'attachent à ce que la décision de sanction du CoRDiS soit connue de l'ensemble des acteurs du marché de l'énergie, notamment pour prévenir la commission de faits de même nature que ceux visés par la présente procédure de sanction, le CoRDiS devrait décider que la décision de sanction à intervenir sera publiée, sous réserve des secrets protégés par la loi :

  • au Journal of!ciel de la République française ;
  • sur le site internet de la CRE, en précisant que la publication sur le site internet de la CRE ne permettra plus d'identi!er la société Equinor après l'expiration d'un délai d'un an à compter de la première mise en ligne ; et
  • aux frais de la société Equinor, sur son site internet, pendant une durée de six mois, ainsi que dans la plus prochaine communication publique faite par la société Equinor, en particulier à l'intention de la communauté !nancière, selon des modalités qu'il appartiendra au CoRDiS de préciser le cas échéant.

Conformément aux dispositions de l'article R. 134-32 du code de l'énergie, la société Equinor a été invitée à présenter ses observations en réponse avant le 28 octobre 2024, à 12 heures et à consulter le dossier.

5. Ouverture de la procédure contradictoire

5.1. Demande de délai des sociétés mises en cause pour produire leurs observations en réponse au procès-verbal

Par un courrier du 2 octobre 2024, Me Willis a sollicité une extension au 11 novembre 2024 du délai imparti à la société Danske pour la production des observations en réponse aux griefs qui ont été noti!és le 27 septembre 2024.

Par un courrier du 3 octobre 2024, Me Le Bihan-Graf et Me Paroche ont sollicité un délai supplémentaire d'un mois pour la production des observations en réponse aux griefs qui ont été noti!és à la société Equinor le 27 septembre 2024, soit jusqu'au 29 novembre 2024.

Par un courrier du 7 octobre 2024, les conseils de ces sociétés ont été informé qu'une prorogation du délai était accordée jusqu'au 11 novembre 2024, à 12 heures.

5.2. Accès aux pièces du dossier

Par un courrier électronique du 4 octobre 2024, Me Gardellin, cabinet Hogan Lovells, représentant également la société Equinor, a demandé à consulter les pièces du dossier au sein des locaux de la CRE.

La consultation et le téléchargement des pièces du dossier se sont déroulés dans les locaux de la CRE le 8 octobre 2024.

* * *

Par un courrier électronique du 1er octobre 2024, Me Desprez, cabinet Bird & Bird LLP, représentant également la société Danske, a sollicité l'accès aux pièces du dossier.

Par un courrier électronique du 4 octobre 2024, le greffe du CoRDiS a invité Me Willis et Me Desprez, ainsi que Mme Troletti, cabinet Bird & Bird LLP, à utiliser la plateforme de transfert sécurisé de !chiers TransfertPro pour télécharger l'ensemble des pièces du dossier.

Par un courrier électronique du 9 octobre 2024, le greffe du CoRDiS a informé ces personnes avoir procédé au téléversement d'éléments additionnels, à savoir les observations de la société Equinor en réponse au procès-verbal, accompagnés des annexes 1 à 7.

Par un courrier électronique du 11 octobre 2024, Me Willis a informé le greffe de son intention de prendre contact avec les conseils de la société Equinor avant le téléchargement de ces éléments additionnels et a con!rmé avoir procédé le 7 octobre 2024 au téléchargement des pièces initialement rendues accessibles sur la plateforme de transfert sécurisé de !chiers TransfertPro.

5.3. Demandes des sociétés mises en cause

Par un courrier électronique du 11 octobre 2024, Me Willis a interrogé le président du comité sur la faculté, pour la société Danske, de faire entendre, en vertu des dispositions de l'article L. 134-31 du code de l'énergie, des témoignages oraux lors de la séance du comité et sur l'imputation du temps d'audition sur le temps alloué à la société Danske pour produire ses observations orales.

Par un courrier du 21 octobre 2024, le président du comité a précisé qu'il était loisible à la société Danske de faire intervenir, au cours de la séance, toute personne susceptible de l'assister et que, à cette !n, la durée des auditions ne serait pas décomptée du temps accordé aux représentants et aux conseils de la société Danske pour produire leurs observations orales.

A!n d'assurer le bon déroulement de la séance, Me Willis a été invité à communiquer la liste des personnes que la société Danske souhaiterait faire intervenir au soutien de ses observations orales avant le 12 novembre 2024, à 12 heures.

Par un courrier électronique du 12 novembre 2024, Me Desprez a informé le président du comité que la société Danske ne ferait pas intervenir de témoins lors de la séance.

* * *

Par un courrier du 10 décembre 2024, Me Willis a demandé au président du comité de bien vouloir prononcer le huis clos lors de la séance, au motif que la présentation orale des arguments de la société Danske entraînerait nécessairement la divulgation d'informations con!dentielles et couvertes par le secret des affaires.

Me Willis a également demandé qu'il soit accordé à la société Danske un temps de parole de 30 minutes minimum et a souhaité savoir s'il lui serait possible de projeter des diapositives sur un écran pour illustrer et faciliter la compréhension de certains éléments qui seraient présentés oralement.

Par un courrier électronique du 12 décembre 2024, la société Danske a été informée, en sus du temps de parole qu'il lui avait été alloué, qu'il lui était loisible de projeter des diapositives sur les écrans de la salle dans laquelle se déroulerait la séance du comité. La procédure à suivre lui a été communiquée par courrier électronique du 16 décembre 2024.

Par un courrier électronique du 16 décembre 2024, le président du CoRDiS a proposé à la société Equinor, conformément à sa demande du 12 décembre 2024, de respecter un temps de parole de 20 minutes pour présenter ses observations orales.

6. Observations des sociétés mises en cause en réponse à la noti!cation des griefs

6.1. Observations de la société Danske en réponse à la noti!cation des griefs

Par des observations en réponse à la noti!cation des griefs, enregistrées le 11 novembre 2024, la société Danske :

  • conclut ne pas avoir violé l'article 5 ou toute autre disposition du règlement REMIT ;
  • demande que la séance soit tenue à huis clos ;
  • demande au CoRDiS de rejeter la demande de sanction ;
  • à titre subsidiaire, dans le cas où un manquement serait retenu à l'encontre de la société Danske demande au CoRDiS de (a) prononcer une sanction nettement inférieure à celle proposée par la membre désignée et (b) décider de ne pas procéder à la publication de la décision de sanction.

Après avoir présenté les différentes stratégies de négoce (4) et de demande de réservation desdites capacités, objets de l'enquête, la société Danske décrit, suivant son acquisition par la société Equinor en février 2019, comment sont réparties les activités gazières entre ces sociétés. Elle af!rme que diverses mesures ont été adoptées, comme le mémorandum « Gas 2030 NG DC split », le « modèle de démarcation » et les « Règles d'Engagement », en vue de prévenir le partage d'informations commercialement sensibles entre ces sociétés et de préserver leur autonomie.

La société Danske fait ensuite valoir, en réponse à la noti!cation des griefs, les moyens et arguments suivants :

  • que la membre désignée, qui n'a pas tenu compte des réponses de la société Danske au procès-verbal, ne fournit pas de faisceau d'indices concordants montrant que le comportement de la société Danske constitue une manipulation de marché au sens des articles 2(2), a, i et 2(2), a, ii du règlement Remit ;
  • en premier lieu, que les allégations factuelles et l'interprétation de la membre désignée avancées au soutien des deux griefs sont erronées ;
  • en réponse aux premier et second griefs, que la membre désignée n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt économique de la société Danske était faible voire inexistant dans la mesure où (i) en application des tarifs « ATRT », la capacité annuelle au début du processus d'enchère était économiquement plus intéressante que les capacités infra-annuelles, (ii) la capacité annuelle à la frontière franco-espagnole a un potentiel élevé de valeur et où (iii) les conditions et fondamentaux de marché observables au début des enchères con!rment que l'acquisition de la capacité aurait été économiquement rationnelle. Son intention objective visait à participer au premier tour de l'enchère, qu'elle qu'en soit l'issue, et elle s'est par ailleurs minutieusement préparée à plusieurs scénarios, notamment dans le cas où elle obtiendrait la capacité annuelle ;
  • en réponse au premier grief, qu'en décidant de ne pas soumettre une demande de réservation pour 100 % de la capacité annuelle lors des 2es tours d'enchère, décision rationnelle et justi!ée par les fondamentaux du marché, la société Danske n'a pas procédé à un « retrait des ordres » puisque ces demandes, formées à chaque tour d'enchère, sont indépendantes ;
  • en réponse au second grief, sur la collusion en particulier, la société Danske rappelle sa participation aux enchères annuelles antérieures à son acquisition par la société Equinor en 2019 et précise que si elle n'a, après la première demande d'information de la CRE le 22 avril 2021, plus souhaité y participer, c'est de crainte d'être accusée d'avoir poursuivi le comportement litigieux après ouverture de l'enquête ;
  • admettant avoir échangé des informations générales et publiques sur le fonctionnement du marché avec la société Equinor, la société Danske rejette néanmoins avoir échangé des informations stratégiques avec l'autre société, […], et soutient qu'au contraire, il ressort de leurs interactions commerciales qu'elles n'agissent pas de manière concertée. Elle ajoute que la membre désignée, à défaut de motiver l'insuf!sance des documents of!ciels de conformité produit par elle-même, se livre à une évaluation arbitraire de leur force probatoire. En outre, les justi!cations apportées par la société Equinor au soutien de ses demandes de réservations sont plus plausibles ;
  • en second lieu, en précisant qu'en application de la présomption d'innocence, la charge de la preuve incombe à l'autorité de régulation nationale, qui doit motiver ses allégations par des preuves suf!samment précises et concordantes, que les critères prévus par les articles 2(2), a, i et 2(2), a, ii du règlement REMIT ne sont pas remplis ;
  • en réponse au premier grief, que les demandes de réservations de la capacité annuelle par la société Danske étaient authentiques en ce (i) qu'elle avait la ferme intention d'utiliser cette capacité, qu'elle parvienne ou non à l'acquérir, (ii) qu'une telle demande était compatible avec les fondamentaux et sa position sur le marché et (iii) l'exposaient à un aléa, à savoir le risque de marché. En outre, ces demandes, qui ont envoyé une indication exacte et !dèle à la réalité, n'étaient pas, compte tenu du fonctionnement des enchères, susceptibles d'inciter d'autres acteurs de marché ;
  • en réponse au second grief, sur la collusion, que, faute de dé!nition, il y a lieu, par analogie avec le droit européen sur la prohibition des ententes, de démonter (i) un accord entre deux acteurs du marché sur la conduite à adopter sur les marchés et (ii) un échange d'informations commercialement sensibles qui pourrait conduire à un comportement coordonné sur les marchés de gros de l'énergie et que les autres explications non-collusoires possibles peuvent être écartées. Elle ajoute qu'en application de la pratique décisionnelle du CoRDiS en matière d'information privilégiée, la CRE doit démontrer que des informations relatives aux réservations spéci!ques ont été échangées entre les sociétés et que la société Danske aurait indûment utilisé ces informations lors des enchères litigieuses ;
  • que la membre désignée échoue à établir la présomption simple de collusion en ce que les faits peuvent être expliqués autrement qu'en fonction de l'existence d'une collusion. En sus des arguments précédemment invoqués, la société Danske ajoute que les enchères ont été congestionnées en 2014, 2016 et 2018 et que tout acteur de marché aurait raisonnablement pu déduire la forte probabilité qu'un autre acteur de marché participerait aux enchères litigieuses, sans qu'il y ait lieu de se concerter. Elle échoue également à établir la présomption renforcée de collusion en ce qu'elle ne se fonde pas sur des éléments de preuve suf!sants mais sur des observations circonstancielles, soit incomplètes soit appréciées en dehors de leurs contextes, et sans lien les unes avec les autres ;
  • sur la !xation du prix, que ses demandes de réservation lors du premier tour des enchères litigieuses étaient authentiques, re!étaient des opportunités de négoces légitimes et rationnelles et exposées aux risques du marché, soit un aléa, c'est-à-dire le risque de se voir attribuer on non la capacité au premier tour et résultant du fait qu'elle n'était pas en mesure de garantir un résultat spéci!que ;
  • sur le caractère arti!ciel, que les prix congestionnés résultent de la structure du marché telle qu'établie au moment des faits par le tarif ATRT, et que la société Danske ne saurait être tenue responsable des failles du cadre règlementaire, l'objectif du règlement REMIT n'étant pas de remédier aux défauts d'un mécanisme de marché, même s'il conduit à des résultats indésirables, ni de punir les acteurs répondant aux incitations envoyées par un tel mécanisme ;
  • à titre subsidiaire, que si le caractère arti!ciel du prix d'un « ordre » peut être considéré comme résultant de son caractère non authentique, en l'espèce, les prix n'étaient pas arti!ciels compte tenu du caractère authentique des demandes de réservation de Danske, qui ne peuvent être assimilées à des « ordres » ;
  • qu'en application des lignes directrices et de la pratique décisionnelle de l'ARN espagnole, bien que la membre désignée soutienne qu'un « prix résultant d'ordre ou transactions peut être considéré comme arti!ciel s'il s'écarte du niveau de prix qui aurait été obtenu en leur absence », le caractère arti!ciel d'un prix est évalué en fonction du jeu équitable et concurrentiel entre l'offre et la demande ; le fait que la demande de la société Danske ait entrainé une réduction du prix des produits de capacité ne le rend pas en soi arti!ciel ;
  • à titre subsidiaire encore, que le comportement de la société Danske est conforme aux pratiques de marché admises (« AMP »), qui, conformément aux lignes directrices, n'ont pas à être approuvées par l'ARN, et, en l'espèce, repose sur le mode de fonctionnement du PIR Pirineos au moment des faits, tel que dé!ni par les règles tarifaires, approuvées par la CRE, en vigueur. Si la CRE entend soutenir qu'il ne s'agit pas d'une AMP, elle doit en expliquer les raisons et donner à la société Danske l'occasion de présenter ses observations. En tout état de cause, même si le comportement de la société Danske ne peut être quali!é d'AMP, cela ne signi!e pas qu'il s'agit d'une manipulation de marché.

En!n, la société Danske soutient que la sanction proposée repose sur une appréciation erronée de son importance, et de celle du groupe Equinor, dont les chiffres d'affaires étaient moins importants au moment des faits, des dommages causés aux marchés et aux consommateurs, qui sont, comme l'atteste les conclusions d'un rapport de consultant, surestimés par la CRE, et des avantages tirés par elle du comportement litigieux. La société Danske a mis en œuvre des mesures pour s'assurer du bon respect du règlement REMIT.

Elle ajoute que le montant de la sanction proposé est disproportionné au regard de la nature et de la gravité du manquement allégué, qui, s'il était établi, est en partie causé par une défaillance de marché, n'a eu lieu que deux fois et ne concerne qu'un volume très limité de la capacité annuelle concernée par les deux enchères (moins de 1 % de la capacité totale offerte pour l'ensemble de l'année gazière sur cette frontière).

6.2. Observations de la société Equinor en réponse à la noti!cation des griefs

Par ses observations en réponse à la noti!cation des griefs, enregistrées le 8 novembre 2024, la société Equinor demande au CoRDiS de bien vouloir :

– constater que la société Equinor n'a commis aucun manquement au règlement REMIT ;

  • constater que le grief retenu par la noti!cation de griefs n'est pas fondé ;
  • par conséquent, conclure qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sanction à l'encontre de la société Equinor ;
  • en tout état de cause : (a) décider qu'il n'y pas lieu de procéder à la publication de la décision à intervenir et (b) prononcer le huis clos pour la séance du CoRDiS à intervenir ;
  • à titre in!niment subsidiaire, si par extraordinaire le CoRDiS décidait de publier cette décision : (a) limiter la durée de cette publication, (b) anonymiser la décision à intervenir à l'égard de la société Equinor, (c) masquer les données du dossier protégées par le secret des affaires et la con!dentialité.

Après avoir présenté les faits et la procédure, la société Equinor relevant en particulier que le délai accordé par le Président du CoRDiS pour présenter ses observations en réponse à la noti!cation des griefs expirait un jour férié et que la consultation des pièces du dossier avait été !xée un mois seulement avant la !n du délai imparti pour déposer ses observations, la société Danske fait valoir, sur le cadre juridique applicable, les moyens et arguments suivants :

  • en premier lieu, que la présentation inexacte et tronquée des faits affecte le bienfondé de la noti!cation des griefs. En particulier, selon la compréhension de la société Equinor, l'accès à la plateforme de nomination SL-ATR, qui permet d'effectuer des transactions dans le système gazier espagnol, nécessitait l'acquisition de capacité de gaz au point d'entrée sur le marché espagnol (PSV), comme il en est attesté par (i) le refus d'accès qui lui a été opposé en septembre 2015 faute d'un « contrat valide pour l'infrastructure », (ii) les indications et instructions fournis par les sociétés Enagàs et TIGF en 2015 (iii), les divergences procédurales pour l'accès à ladite plateforme et l'octroi de la licence d'expéditeur de gaz, (iv) les nécessités con!rmées, d'une part, par la société Enagas en 2023 sur la détention d'un contrat de capacité d'entrée et, d'autre part, […], d'activer le contrat conclu entre cette dernière et la société Equinor en réservant des capacités minimales ;
  • que la noti!cation des griefs est encore entachée d'omission, en ne mentionnant pas le fait que la réponse de la société Enagas du 18 avril 2018 portait sur les conditions relatives au maintien de la licence d'expéditeur de gaz en Espagne et non sur l'accès à la plateforme SL-ATR, expliquant que la société Equinor ait maintenu les réservations reprochées ;
  • que la noti!cation des griefs est encore trompeuse en ce que […], alors qu'il !gurait dans ses observations au procès-verbal comme justi!cation de son comportement ;
  • en second lieu, que la noti!cation des griefs cherche à caractériser une manipulation de marché à l'égard d'un comportement qui s'explique par un motif juridique et non économique et que, partant, l'article 2(2), a, ii du règlement REMIT n'est pas applicable au comportement reproché.

Ensuite, sur l'appréciation des faits par la membre désignée, la société Danske soutient :

  • sur le prix arti!ciel, que les réservations en cause sont motivées par des motifs juridiques et non économiques et qu'elles étaient insusceptibles d'avoir le moindre effet sur les prix ; en particulier, dans la mesure où elles n'étaient pas corrélées au volume physique nécessaire pour couvrir les besoins des clients de la société Equinor et ne pouvaient avoir pour objet de !xer le prix à un niveau arti!ciel, la circonstance que la société Equinor n'aurait réalisé aucune nomination au PIR Pirineos pour les enchères litigieuses et n'aurait pas revendu de capacité sur le marché secondaire est inopérante et n'est pas constitutive d'une violation des règles de la société Teréga ;
  • que le comportement de la société Equinor était parfaitement rationnel, son activité, distincte d'une activité de trading, étant axée sur la nécessité de sécuriser ses livraisons de gaz. La société Equinor rappelle les raisons, précédemment évoquées, qui l'ont conduite à réaliser les réservations litigieuses et précise que ses demandes étaient authentiques et ne revêtaient aucun caractère opportuniste puisqu'elle avait l'intention d'acquérir les capacités demandées, et les a effectivement et systématiquement acquises, conformément à sa pratique, établie depuis 2015 ;
  • sur la raison légitime fondant les réservations systématiques de capacités minimales, que les réservations litigieuses paraissaient, compte tenu des précédents développements, non seulement indispensables pour pouvoir avoir accès la plateforme SL-ATR mais étaient également requises pour l'accès au marché italien ;
  • sur l'action concertée, que le prétendu faisceau d'indice ne consiste qu'en un tissu de conjectures visant à inventer des liens de causalité entre des situations factuelles déconnectées les unes des autres ;
  • en premier lieu, que la noti!cation des griefs, qui ne rapporte pas la preuve matérielle d'un accord conclu entre les sociétés Equinor et Danske, ne peut établir la concertation sur la base d'une tentative de démonstration que la société Danske était certaine que ses propres réservations entraîneraient la congestion du marché des capacités annuelles, dans la mesure où le comportement unilatéral de cette dernière n'est pas opérant pour établir une infraction commise par la société Equinor ; la société Danske aurait pu remarquer qu'un acteur de marché réservait systématiquement 1 kWh aux enchères du PIR Pirineos, sans identi!er la société Equinor, les enchères étant anonymes ;
  • en second lieu, qu'en prétendant démonter, au titre d'un allégué faisceau d'indices graves, précis et concordants, « l'hypothèse de l'élaboration d'une stratégie commune », la noti!cation des griefs ne fournit pas d'éléments de preuve ni d'indice sérieux. Elle ajoute qu'en l'absence de précédent applicable, compte tenu du standard de la preuve imposé aux autorités compétentes en matière du droit de la concurrence, un lien de proximité entre les sociétés poursuivies et leurs comportements parallèles sont insuf!sants pour établir une concertation ; qu'en application de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence (ADLC) et de l'Autorité des marchés !nanciers (AMF), les mouvements de personnel ne peuvent constituer un indice de coordination et que l'existence de relations professionnelles et personnelles régulières

entre deux personnes ne revêt pas une valeur probante suf!sante pour établir l'existence d'un partage d'informations privilégiées entre ces deux personnes.

En!n, la sanction proposée par la noti!cation des griefs procède d'une méconnaissance du principe de proportionnalité en ce que ni le règlement REMIT, ni le code de l'énergie ne prévoient la prise en compte de l'atteinte ou des dommages causés au marché, qui est donc inopérant, le seul élément d'appréciation étant la réparation du préjudice causé aux consommateurs qui, devant être établi sur des éléments concrets et précis, doit être écarté puisqu'il n'est ni direct ni signi!catif.

La société Equinor soutient que la noti!cation des griefs repose sur une appréciation erronée de son caractère dissuasif en appréciant le montant de la sanction au regard d'un élément intentionnel qui n'est, en l'espèce, pas établi. Elle ajoute que ne sont démontrés ni les préjudices aux marchés ou aux consommateurs !nals, ni les gains potentiels, direct ou indirect, tirés par elle, et que n'est pas considéré le critère portant sur la gravité du grief invoqué.

La société Equinor conclu en af!rmant qu'à défaut de pouvoir lui in!iger à une sanction pécuniaire, le CoRDiS ne saurait prononcer une mesure de publication de sa décision.

7. Procédure de sanction

Vu :

  • le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-25 à L. 134-34 et R. 134-29 à R. 134-37 ;
  • le règlement (UE) n ° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie, notamment ses articles 2 et 5 ;
  • la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
  • les décisions du 14 octobre 2024 du Président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relatives à la désignation d'une rapporteure.

Les sociétés Danske et Equinor ont été régulièrement convoquées à la séance du CoRDiS du 18 décembre 2024, composé de M. Tuot, président, Mme Poillot-Peruzzetto, Mme Salomon et M. Seban, membres, en présence de :

  • Mme Ducloz, membre désignée par le président du comité ;
  • Mme Bonhomme, directrice des affaires juridiques, secrétaire de séance ;
  • Mme Michel, rapporteure ;
  • les représentants de la société Danske, […], assistés de Mes Willis, Desprez et Mandel, cabinet Bird & Bird, ainsi que de M. Roques, société Compass Lexecon ;
  • les représentants de la société Equinor, […], assistés de Mes Le Bihan-Graf, Paroche, Verney et Gardellin.

A l'ouverture de la séance, compte tenu des demandes de huis clos formées par les sociétés Danske et Equinor, les conseils respectifs ont été interrogés par le président du CoRDiS, et lui ont con!rmé ces demandes. Dans ces conditions, le CoRDiS a décidé que la séance se tiendrait à huis clos, portes fermées, hors de la présence du public. Outre les représentants et conseils des sociétés Danske et Equinor, dûment identi!és, ont assisté à la séance, sur autorisation du président du comité, des agents des services de la CRE qui sont tenus au secret professionnel.

De plus, le président du CoRDiS, ayant rappelé que la séance se poursuivait en présence, d'une part, des représentants et conseils de la société Danske et, d'autre part, des représentants et conseils de la société Equinor, a demandé à ces sociétés de faire part de leurs éventuelles objections à la présence aux débats oraux des représentants et conseils de l'autre société.

A ce titre, les sociétés ont été informées par le président du CoRDiS qu'il leur serait loisible d'accepter ou de refuser intégralement la présence de l'un ou de plusieurs représentants de l'autre société lors des débats oraux la concernant et que l'une ou l'autre de ces sociétés pourrait également demander la suspension de la séance, tout au long de son déroulement, si elle souhaitait présenter des observations orales sur un point particulier en dehors de la présence de l'autre.

Aucune objection ni observation n'ayant été formulée et les représentants et conseils des personnes mises en cause y ayant expressément acquiescé, la séance s'est déroulée dans cette con!guration.

Après avoir entendu :

  • le rapport de Mme Michel, présentant les faits, la saisine du CoRDiS par la présidente de la CRE, les griefs noti!és et les observations écrites en réponse aux griefs ;
  • les observations de Mme Ducloz présentées au soutien des griefs noti!és, précisant la nature pécuniaire, le montant de la sanction proposée et les modalités de publication de la décision du CoRDiS à intervenir ;
  • les observations orales de Me Le Bihan Graf, par lesquelles la société Equinor persiste dans ses moyens et conclusions ;
  • les observations orales de Me Willis par lesquelles la société Danske persiste dans ses moyens et conclusions.

Les représentants des sociétés Danske et Equinor, à qui le président du CoRDiS a, dès l'ouverture de la séance, noti!é leur droit de garder le silence, conformément à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ont été invités à reprendre la parole en dernier.

Les personnes mises en causes ont renoncé au huis clos l'une à l'égard de l'autre.

Le CoRDiS en a délibéré, après que la membre désignée, la rapporteure, les représentants et conseils des sociétés Danske et Equinor, personnes mises en cause, et les agents des services se sont retirés.

8. Motifs de la décision du comité de règlement des différends et des sanctions

8.1. Présentation des personnes mises en cause

  1. La société Danske, créée en 2006, est une société de négoce d'énergie, au niveau international. Elle négocie des produits liés à l'énergie sur les marchés de gros, tels que des produits liés au gaz naturel.

  2. La société Equinor ASA, anciennement dénommée Statoil, est une compagnie norvégienne d'énergie pétrolière, de gaz naturel, et d'énergies renouvelables, fondée en 1972. Il s'agit de la plus grande entreprise de Norvège avec environ 21 000 employés.

  3. Le 6 juillet 2018, la société Danske a annoncé of!ciellement son rachat par la société Equinor pour un montant de 400 millions d'euros. L'acquisition a pris effet le 1er février 2019. Depuis cette date, la société Danske est une !liale contrôlée à 100 % par la société Equinor.

8.2. Caractéristiques des marchés de gros du gaz naturel et des zones de marché en France et en Espagne sur les périodes concernées

  1. Pour s'approvisionner en gaz naturel, les acteurs intervenant sur l'ensemble ou sur une partie de la chaîne gazière recourent aux marchés de gros. Les échanges peuvent se faire de gré à gré ou par le biais du marché organisé.

  2. Sur le marché de gros du gaz naturel sont distingués : les produits au comptant (spot), qui permettent aux expéditeurs d'équilibrer et d'optimiser à court terme leur portefeuille, qui intègrent notamment des produits journaliers (day-ahead), infra-journaliers (whinin day) et week-end, et les produits à terme (ou futures) visant à conclure des contrats à terme pour se couvrir contre les risques du marché spot.

  3. Sur le territoire français, l'ensemble du réseau de transport de gaz naturel est regroupé au sein d'une zone de marché unique d'entrée et de sortie : la Trading Region France (« TRF »). Sur le territoire espagnol, l'ensemble du réseau de transport de gaz naturel est également regroupé au sein d'une zone de marché unique, le Mercado Ibérico del Gas (« MIBGAS ») qui comprend une zone unique d'équilibrage opérée par le gestionnaire de réseau de transport espagnol, la société Enagâs SA (la société « Enagas »).

  4. Les zones de marché sont des hubs au sein desquels les échanges !nanciers relatifs à une zone d'équilibrage vont être effectués. Pour la France il s'agit du Point d'Echange de Gaz (« PEG ») et pour l'Espagne, du Punto Virtual de Balance (« PVB »).

  5. Pour transiter d'une zone d'équilibrage à l'autre, le gaz emprunte un point d'interconnexion réseau (« PIR ») qui est un point virtuel d'échange. Le règlement (UE) 2017/459 de la Commission du 16 mars 2017, établissant un code de réseau sur les mécanismes d'attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz (Capacity Allocation Mecanism ; « code CAM ») s'applique sur tous les PIR internes à l'Union européenne.

  6. Le PIR qui relie les zones PEG et PVB s'appelle le PIR Pirineos, dont les capacités sont commercialisées sous forme d'enchères sur la plateforme européenne « PRISMA », selon le calendrier établi par le Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport de gaz (European Network of Transmission System Operators for Gas ou « ENTSOG »).

  7. Les capacités annuelles de transport sont mises en vente sur la plateforme PRISMA, le premier lundi du mois de juillet (depuis 2018), selon un mécanisme d'enchère ascendante tel que prévu par l'article 17 du code CAM. La quantité de capacité proposée aux enchères annuelles est publiée un mois avant leur déroulement.

  8. Les produits annuels sont commercialisés plusieurs années à l'avance, tant que l'ensemble de la capacité proposée n'est pas souscrit, tandis que les produits infra-annuels sont mis en vente uniquement pour l'année suivante ou l'année en cours.

  9. A!n d'apporter plus de stabilité sur le marché, les délibérations tarifaires de la CRE incitent les expéditeurs à réserver des capacités annuelles, en prévoyant des multiplicateurs tarifaires pour majorer le prix des capacités infra-annuelles (5). En principe, le prix de réserve pour une enchère mensuelle, quotidienne ou infra-journalière sera renchéri de 50 % par rapport au prix de réserve des enchères annuelles, et celui d'une enchère trimestrielle sera renchéri de 33 %.

  10. Cependant, dans les cas où la demande de capacités annuelles dépasse l'offre lors du premier tour de l'enchère, ce qui ne peut se produire que si au moins deux acteurs participent aux enchères, le point d'interconnexion est considéré comme « congestionné » pour l'enchère annuelle. Pour éviter de renchérir le coût de souscription des capacités par les expéditeurs, les délibérations tarifaires de la CRE prévoient, dans ces cas, la suppression des multiplicateurs tarifaires pour les capacités infra-annuelles.

8.3. Participation des personnes mises en cause aux enchères annuelles de capacité les 1er juillet 2019 et 6 juillet 2020

  1. Les sociétés Danske et Equinor ont été les seules à participer aux enchères annuelles de capacité tenues les 1 er juillet 2019 et 6 juillet 2020 pour, respectivement, les années gazières 2019-2020 et 2020-2021. Elles ont formulé des demandes totales de capacité de transport supérieures à la quantité offerte aux premiers tours des enchères. Plus précisément, la société Danske a demandé, au premier tour des enchères litigieuses, la totalité de l'offre disponible, soit 82.286 kWh/h tandis que la société Equinor a demandé le volume minimal, soit 1 kWh/h.

  2. Aussi, lors de ces années gazières, le PIR Pirineos a été considéré comme « congestionné » à la suite de la saturation de la demande au premier tour des enchères, ce qui a activé le mécanisme de suppression des multiplicateurs tarifaires prévu par les délibérations de la CRE, diminuant le prix d'acquisition des capacités infraannuelles.

  3. Pourtant, alors que les prix d'enchères avaient augmenté de seulement 1 % entre les premiers et les deuxièmes tours et de 0,2 % entre les premiers et les troisièmes tours, la société Danske a ensuite, lors des deux années examinées, formé des demandes signi!cativement inférieures aux deuxièmes et troisièmes tours d'enchère, égales à 1 kWh/h en 2019 et à 0 kWh/h en 2020. La société Equinor a quant à elle maintenu ses demandes à 1 kWh/h aux tours d'enchères suivants pour ces années.

  4. A l'issue des troisièmes tours d'enchères, les offres ainsi demandées ont été attribuées de telle sorte que les ventes effectivement réalisées lors des enchères de capacités annuelles se sont avérées pratiquement nulles pour ces années (2 kWh/h en 2019 et 1 kWh/h en 2020).

  5. C'est dans ce contexte que le président de la CRE, a décidé d'ouvrir une enquête visant à établir si les sociétés Danske et Equinor et leurs !liales s'étaient ou non livrées à des pratiques susceptibles de constituer des manquements aux dispositions de l'article 5 du règlement REMIT eu égard à leurs demandes aux enchères au PIR Prineos des 1er juillet 2019 et le 6 juillet 2020.

8.4. Sur le cadre juridique applicable

  1. En application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 134-25 du code de l'énergie, « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut […] sanctionner les manquements aux règles dé!nies aux articles 3, 4, 5, 8, 9 et 15 du règlement (UE) no 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie ou tout autre manquement de nature à porter gravement atteinte au fonctionnement du marché de l'énergie, […] qu'il constate de la part de toute personne concernée, dans les conditions !xées aux articles L. 134-26 à L. 134-34 ».

  2. L'article 5 du règlement REMIT dispose qu'il « est interdit de procéder ou d'essayer de procéder à des manipulations de marché sur les marchés de gros de l'énergie ».

  3. Le marché de gros de l'énergie est dé!ni à l'article 2(6) du règlement REMIT comme « tout marché de l'Union sur lequel des produits énergétiques de gros sont négociés ».

  4. Les produits énergétiques de gros comprennent, au sens de l'article 2(4) du règlement REMIT : « les contrats et produits dérivés suivants, indépendamment du lieu et de la façon dont ils sont négociés : (…) c) les contrats relatifs au transport d'électricité ou de gaz naturel dans l'Union ; (…). »

  5. La manipulation de marché est dé!nie à l'article 2(2) du règlement REMIT comme :

« a) Le fait d'effectuer toute transaction ou d'émettre tout ordre pour des produits énergétiques de gros qui :

i) Donne ou est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'offre, la demande ou le prix des produits énergétiques de gros ;

ii) Fixe ou tente de !xer, par l'action d'une ou de plusieurs personnes agissant de manière concertée, le prix d'un ou plusieurs produits énergétiques de gros à un niveau arti!ciel à moins que la personne ayant effectué la transaction ou émis l'ordre établisse que les raisons qui l'ont poussée à le faire sont légitimes et que cette transaction ou cet ordre est conforme aux pratiques de marché admises sur le marché de gros de l'énergie concerné ; ou

iii) Recourt ou tente de recourir à un procédé !ctif ou à toute autre forme de tromperie ou d'arti!ce, qui donne, ou est susceptible de donner, des indications fausses ou trompeuses concernant la fourniture, la demande ou le prix de produits énergétiques de gros […] ».

  1. Les dispositions du règlement REMIT sont éclairées par les considérants de ce règlement.

  2. Le considérant 13 du règlement REMIT dispose que : « Les manipulations des marchés de gros de l'énergie supposent que des actions menées par des personnes provoquent arti!ciellement une augmentation des prix vers un niveau qui ne se justi!e pas par les forces du marché de l'offre et de la demande, notamment la disponibilité réelle de la capacité de production, de stockage ou de transport, et la demande. » (emphase ajoutée) et, parmi les exemples de formes que peuvent prendre les manipulations de marché, cite « le placement et le retrait de faux ordres ».

  3. Le considérant 14 du règlement REMIT ajoute que : « Au nombre des exemples de manipulation, ou de tentative de manipulation de marché, !gure le fait, pour une personne ou plusieurs personnes, d'agir de manière concertée pour s'assurer une position décisive sur l'offre ou la demande d'un produit énergétique de gros, ce qui a, ou est susceptible d'avoir pour effet, la !xation directe ou indirecte des prix, ou la création d'autres conditions de transaction inéquitables ; et l'offre, l'achat ou la vente de produits énergétiques de gros dans le but, l'intention ou l'effet d'induire en erreur les acteurs du marché en agissant sur la base des prix de référence. » (emphase ajoutée) .

  4. Les dispositions du règlement REMIT sont également éclairées par les orientations non-contraignantes de l'ACER, conformément à l'article 16 du règlement REMIT qui dispose que cette agence « publie, le cas échéant, des orientations non contraignantes sur l'application des dé!nitions énoncées à l'article 2 ». Ces orientations fournissent des illustrations des pratiques susceptibles de constituer des manipulations de marché au sens du règlement REMIT, auxquelles le comité peut, sans y être tenu ni s'en estimer lié, se référer.

  5. En!n, le considérant no 31 du règlement REMIT indique que « Le présent règlement ne porte atteinte ni aux règles nationales sur le niveau de preuve requis ni à l'obligation des autorités de régulation nationales et des juridictions des Etats membres d'établir les faits pertinents d'une affaire, pour autant que ces règles et obligations sont compatibles avec les principes généraux du droit de l'Union. ».

  6. Ainsi la pratique décisionnelle constante du CoRDiS le conduit à af!rmer qu'il lui appartient « d'établir les faits pertinents de l'espèce en énonçant les motifs l'ayant conduite à considérer que les faits reprochés à la société en cause répondent à cette quali!cation. » avant d'ajouter que de tels faits « peuvent être regardés comme établis dès lors que le comité détaille un faisceau d'indices concordants, en l'espèce un ensemble de comportements combinés et répétitifs, permettant de retenir une présomption de manquement au règlement REMIT. Cette présomption peut ensuite être combattue par ladite société, à laquelle il appartient d'apporter tous éléments de preuve propres à démontrer la légitimité de son comportement sur le marché, en contredisant les indices retenus, en donnant de son comportement une justi!cation différente, notamment en réunissant à son tour d'autres indices permettant d'in!rmer la position du comité et d'établir que les agissements contestés ne sont pas des manquements » (décision no 01-40-19, 19 décembre 2019).

  7. Le Conseil d'Etat a con!rmé cette interprétation en relevant que « l'infraction de manipulation de marché est caractérisée dès lors que la transaction effectuée ou l'ordre émis est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'offre, la demande ou le prix des produits énergétiques de gros, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si le comportement incriminé a effectivement produit cet effet ni s'il procède d'une intention manipulatoire. En particulier, une manipulation de marché peut être établie sur la base d'un faisceau d'indices concordants tirés de la combinaison ou de la réitération de comportements susceptibles de donner des indications trompeuses aux autres acteurs du marché. » et qu'« au cas d'espèce, les six types de comportements suspects (…) qui ont été analysés au regard des conditions concrètes de fonctionnement du marché du PEG Sud, permettaient, compte tenu de leur combinaison ainsi que de leur réitération, d'établir que la société [X] avait émis des ordres de vente sans avoir l'intention de les exécuter, ce qui était susceptible de conduire à des conditions de transaction avantageuses à l'achat en créant l'apparence arti!cielle d'une offre abondante, sans qu'il soit nécessaire de démontrer que ce comportement n'était explicable que par une manipulation de marché, à l'exclusion d'autres explications plausibles. En se fondant sur la réunion de tels éléments pour caractériser ce manquement et en relevant, au regard de ces constats, que la société ne démontrait pas la cohérence et la rationalité économique de ses interventions, le comité n'a ni commis d'erreur de droit, ni méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve et le principe de présomption d'innocence. » (6) (emphase ajoutée).

8.5. Sur le fond

8.5.1. Sur l'applicabilité du règlement REMIT aux faits de l'espèce

  1. Ainsi que le rappelle le procès-verbal et la noti!cation des griefs, l'enquête portait sur des échanges de produits sur le marché de capacités de transport annuelles du gaz de la France vers l'Espagne, négociés sur la plateforme PRISMA, et plus spéci!quement sur les contrats annuels portant sur ces capacités qui y sont négociés.

  2. Par conséquent, les produits analysés lors de l'enquête constituent des produits énergétiques de gros au sens des dispositions de l'article 2(4), c du règlement REMIT.

  3. Les transactions effectuées et les ordres émis par les sociétés Equinor et Danske relatifs à ces produits entrent par conséquent dans le champ d'application du règlement REMIT, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société Danske.

  4. La société Equinor allègue que la dé!nition d'une manipulation de marché prévue par l'article 2(2), a, ii du règlement REMIT impose, à peine d'inapplicabilité dudit règlement, que le comportement réprimé ait pour !nalité un « motif purement économique », c'est à dire de nature à procurer un pro!t immédiat à son auteur. Elle soutient que ses demandes de réservation répondaient à la nécessité réglementaire d'avoir réservé des capacités minimales pour être in !ne autorisée à accomplir des transactions sur le marché espagnol. Répondant ainsi, selon elle, à une exigence réglementaire, elle n'agissait pas dans un but strictement économique. Le comité relève cependant que, à supposer fondée l'interprétation des conditions d'accès au marché espagnol de la société Equinor, le règlement REMIT ne comporte aucune limitation de la dé!nition des agissements qu'il réprime les réduisant à la poursuite exclusive d'un « but économique » en vue d'un avantage direct ou d'un pro!t immédiat. Tout au contraire, comme indiqué ci-dessus, le règlement REMIT ne comporte aucune exigence ni quant à l'effectivité du résultat des ordres passés ou transactions émises, ni quant aux motifs ou buts les ayant inspirés, ne les dé!nissant que par leurs caractéristiques intrinsèques. Le moyen de la société Equinor ne peut donc qu'être écarté.

  5. En tout état de cause, à le supposer établi et pertinent, le motif dont se prévaut la société Equinor ne saurait, être regardé comme un motif de nature non économique dans la mesure où cette société a af!rmé, à plusieurs reprises, que la détention de capacité avait pour but de garantir son accès à la plateforme SL-ATR a!n de pouvoir effectuer des nominations et ainsi de vendre du gaz dans le système gazier espagnol, c'est-à-dire en vue de tirer un béné!ce ou de pro!ter de l'économie qui pourraient résulter desdites ventes.

8.5.2. Sur la caractérisation d'une manipulation de marché au sens de l'article 2(2), a, i du règlement REMIT

  1. La noti!cation des griefs reproche à la société Danske d'avoir commis une manipulation de marché prohibée par l'article 5 du règlement REMIT, telle que dé!nie à l'article 2(2), a, i du même règlement.

  2. Comme exposé dans les orientations non contraignantes de l'ACER précédemment mentionnées, en application de l'article 2(2), a, i du règlement REMIT, le caractère non authentique de la transaction passée ou de l'ordre émis est constitutif d'une manipulation de marché.

  3. Il convient, dès lors de rechercher si un tel manquement est caractérisé en l'espèce.

Sur le caractère non-authentique des demandes de réservations de la société Danske

  1. Il ressort de l'ensemble des dispositions précitées qu'un acte non-authentique peut s'entendre, au sens du règlement REMIT, de toute transaction passée ou tout ordre émis, relatifs à des produits énergétiques de gros, pour un mobile dissimulé et illicite qui, excédant l'apparent mobile licite, en constitue la !nalité déterminante.

  2. S'agissant des réservations de capacités par la société Danske lors de l'enchère qui s'est tenue en 2019, à hauteur de 82.286 kWh/h, soit la capacité maximale pouvant être réservée, le document intitulé « Yearly Auction Strategy 2019 », communiqué par elle-même (annexe 1) indique expressément que celle-ci « [voulait] déposer une demande pour le volume complet pour [s'assurer] que la capacité sera vendue avec une augmentation de prix » et qu'elle était, à ce titre, disposée « à subir une légère perte sur cette capacité, du fait que le spread est inférieur au tarif, a!n de congestionner le tarif » sa stratégie de réservation des capacités consistant à « s'assurer que la capacité soit vendue avec une augmentation de prix, c'est pourquoi [elle restera] dans l'enchère pendant deux tours ». De plus, lors de l'enchère qui s'est tenue en 2020, il résulte du document communiqué par la société Danske à l'agent-enquêteur, dans un courrier du 29 juillet 2021, intitulé « annexe 6 Strategy 2020 » (7), qu'une offre groupée était déposée par la société Danske pour congestionner les tarifs (« Bid for bundled to get congestions »). Il ressort ainsi, matériellement et directement, de ce document que le mobile véritable des réservations de la personne mise en cause, aux premiers tours des enchères litigieuses, n'était pas l'acquisition de capacités annuelles au PIR Pirineos mais la diminution du prix des capacités infra-annuelles, en saturant les premiers tours des enchères annuelles litigieuses. Le comité relève qu'après sa participation initiale lui ayant permis d'obtenir ce résultat, la société s'est abstenue de déposer, aux seconds tours des enchères, de nouvelles demandes de réservation pour le volume maximal qu'elle avait demandé lors des premiers tours des enchères, sans être en mesure de justi!er cette attitude de manière convaincante, ce qui con!rme le motif unique de son action, sans rapport avec une volonté réelle de disposer effectivement de capacités annuelles.

  3. Si lors des enchères litigieuses, la société Danske avait effectivement acquis les capacités annuelles réservées aux premiers tours, ce qui, en tout état de cause, n'a pas été le cas, ces acquisitions ne constituaient pas le mobile qui a motivé lesdites réservations puisque ces dernières sont présentées, par la société Danske elle-même, comme le moyen de s'assurer de la réalisation du but réellement poursuivi, à savoir la suppression des multiplicateurs tarifaires, et ce en vue d'en retirer un gain sur le marché des capacités infra-annuelle.

  4. Dès lors, le fait que les capacités annuelles réservées et non acquises auraient pu avoir une valeur, comme l'invoque la société Danske à l'appui du rapport d'un consultant qui se contente d'énoncer des principes économiques généraux non pertinents en l'espèce, n'est pas de nature à combattre la preuve matérielle et directe que cette valorisation future et hypothétique n'est pas la raison qui a justi!é les réservations desdites capacités annuelles aux premiers tours des enchères en cause. La circonstance que, si ces capacités avaient été acquises, la société aurait cherché à acquérir des volumes de gaz pour les vendre sur le marché espagnol, pour utiliser ces capacités, est sans incidence sur cette appréciation.

  5. Il en résulte que le comité regarde comme établi que les réservations, aux premiers tours des enchères litigieuses, par la société Danske, revêtaient un caractère non authentique.

  6. En conséquence, est retenu à l'encontre de la société Danske, en raison de ses réservations de capacités annuelles lors des premiers tours des enchères litigieuses, le manquement à l'article 5 du règlement REMIT de manipulation de marché au sens de l'article 2(2), a, i dudit règlement.

8.5.3. Sur la caractérisation d'une manipulation de marché au sens de l'article 2(2), a, ii du règlement REMIT

  1. La noti!cation des griefs reproche aux sociétés Danske et Equinor d'avoir, par leur action concertée, commis une manipulation de marché prohibée par l'article 5 du règlement REMIT, tel que dé!nie à l'article 2(2), a, ii.

  2. Il convient, après avoir présenté les modes de preuve admissibles, de rechercher si un tel manquement est caractérisé.

Sur le mode et la charge de la preuve admis au regard des dispositions du règlement REMIT

  1. Il résulte des éléments précédemment mentionnés que, conformément à la pratique décisionnelle du comité, telle que validée par le Conseil d'Etat, à défaut de preuve matérielle et directe, les manipulations de marché peuvent être établies sur la base d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, tiré de la combinaison de faits avérés.

  2. Contrairement à ce qu'ont soutenu les personnes mises en cause dans leurs observations en réponse à la noti!cation des griefs, ainsi que lors de la séance, en particulier la société Equinor, la !abilité du faisceau d'indices s'apprécie dans sa globalité et non indice par indice, pris isolément. Lorsque le faisceau d'indice est constitué en tout ou partie d'éléments matériels, chaque indice doit reposer sur des faits non inexacts. Toutefois, ne constituant que des indices destinés à rapporter une preuve par leur regroupement, aucun d'entre eux ne doit être regardé comme une preuve autonome qui doit être établie. La preuve, qui doit être rapportée par le comité, résulte de la concordance des indices, quelle que soit la valeur de chacun, qui, seuls, ne sont par essence, pas de nature à rapporter la preuve irréfutable d'un manquement au règlement REMIT mais, ensemble, permettent d'établir un manquement au règlement.

  3. Il en va d'autant plus ainsi s'agissant des actions concertées, visées à l'article 2(2), a, ii du règlement REMIT : leur nature, par essence secrète, accroît l'asymétrie d'information et rend l'obtention de preuves directes et matérielles plus dif!cile.

  4. Alors que les personnes mises en cause, soutiennent qu'il y a lieu de raisonner par analogie avec les règles applicables en matière de droit de la concurrence sur la prohibition des ententes, visées aux articles 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce, le comité relève que les notions issues du règlement REMIT sont autonomes et appellent une mise en œuvre dans le cadre tracé par le règlement.

  5. Dès lors, tant la preuve des manipulations de marché, telles que dé!nies par l'article 2(2), a du règlement REMIT, que celle d'une action concertée, visée à l'article 2(2), a, ii du règlement, peuvent résulter d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants.

  6. Il appartient ensuite, conformément à l'article 2(2), a, ii du règlement REMIT, aux personnes mises en cause de démontrer, cumulativement, que les raisons les ayant poussées à effectuer les transactions ou émettre les ordres litigieux sont légitimes et que lesdits transactions ou ordres sont conformes aux pratiques de marché admises (« Admitted Market Practices », ou « AMP ») sur le marché de gros de l'énergie concerné.

  7. Dès lors, que cette règle est clairement énoncée par les dispositions du règlement REMIT, la société Danske n'est pas fondée à soutenir qu'il reviendrait en outre au comité de démontrer que le comportement reproché serait contraire aux AMP. C'est au contraire à elle de prouver, par tous moyens, que son comportement relèverait exclusivement d'une AMP.

Sur l'action concertée des personnes mises en cause visant à !xer le prix des capacités infra-annuelles à un niveau arti!ciel

  1. En premier lieu, ainsi qu'il est soutenu dans la noti!cation des griefs à l'appui des constatations du procèsverbal, l'enquête et l'ensemble des échanges avec les sociétés qui se sont poursuivis jusqu'à l'audience n'ont permis d'établir aucun avantage ou intérêt résultant des opérations critiquées (réservations, par les personnes mises en cause, de volumes aux premiers tours des enchères de capacité annuelles de gaz à la frontière franco-espagnole sur le PIR Pirineos, organisées sur la plateforme européenne PRISMA, qui se sont tenus les 1er juillet 2019 et 6 juillet 2020), sinon la suppression des multiplicateurs tarifaires applicables sur le marché des capacités infraannuelles du gaz, réduisant ainsi les coûts de commercialisation de leurs ventes sur le marché espagnol.

  2. D'une part, s'agissant des réservations de capacités par la société Danske, à hauteur de 82.286 kWh/h, soit la capacité maximale pouvant être réservée, le caractère non-authentique de ses réservations, qui résulte des propres déclarations de la société Danske, énonçant qu'elle était déterminée, lors des enchères litigieuses, à acquérir des capacités annuelles a!n de s'assurer de la suppression des multiplicateurs tarifaires, en vue de faire diminuer le prix des capacités infra-annuelles.

  3. D'autre part, s'agissant des réservations de capacités par la société Equinor, à hauteur de 1 kWh/h, soit la capacité minimale pouvant être réservée, il résulte du dossier que celles-ci ne correspondaient à aucun besoin physique réel, ce qui a été con!rmé par la société Equinor. De plus, compte tenu du caractère insigni!ant des volumes réservés et obtenus, ceux-ci ne pouvaient constituer un actif pouvant être par suite valorisé de telle sorte que les réservations de la société Equinor sont dépourvues de tout motif, autre que celui de constituer avec l'autre société un concert de deux personnes, lequel a permis en l'espèce de congestionner le marché des capacités annuelles.

  4. En deuxième lieu, l'instruction a permis de collecter des éléments permettant d'attester que les personnes mises en cause étaient, au moment des faits reprochés et pendant le déroulement de l'enquête, matériellement en capacité de se concerter, et qu'elles ont effectivement, échangé des informations portant sur le marché gazier.

  5. Ces échanges d'informations ont été facilités par le fait que les règles déontologiques appliquées par les personnes mises en cause, et invoquées plus particulièrement par la société Danske, comportent des développements relatifs aux échanges d'informations entre elles et au fonctionnement des enchères au PIR Pirineos aussi succincts que généraux. Elles ne comportent aucune interdiction expresse de tout échange sur les stratégies d'enchères, alors mêmes que celles-ci sont par nature des informations con!dentielles, ce que les règles n'indiquent pas, pas plus, généralement, que le moindre élément topique. Dès lors, les personnes mises en cause ne sont pas fondées à soutenir que l'existence de ces règles générales et impersonnelles ont pu être, à elle seules, de nature à prévenir les éventuels échanges d'informations con!dentielles.

  6. Il est aussi établi que les salariés des personnes mises en cause partageaient régulièrement des informations et des documents de travail dédiés à l'estimation de l'offre et de la demande du gaz naturel dans le monde, en Europe et plus spéci!quement en France et en Espagne ainsi que des retours d'expérience lors des réunions intitulées « Gas Analysis Network » organisées toutes les deux semaines entre les analystes et collaborateurs de différents niveaux hiérarchiques de ces deux sociétés, dont des personnes décisionnaires et/ou participant directement à la dé!nition des différentes stratégies de négoce sur les marchés du gaz. En sus, ces partages d'informations étaient encore davantage facilités puisqu'au moins […].

  7. Il découle de ces différents éléments que les personnes mises en causes béné!ciaient d'un cadre propice aux échanges, c'est-à-dire qu'elles disposaient du moyen pour parvenir au résultat de coordination de leurs stratégies d'enchères. Ce n'est pas, contrairement à ce qu'allèguent les sociétés l'existence de liens capitalistiques, en tant que tels, qui constitue un indice de collusion, mais le fait que ce n'est qu'après la prise de contrôle de la société Danske par la société Equinor, qu'un changement de comportement de la société Danske s'est opéré. Les sociétés ne sauraient donc sur ce point utilement soutenir que la répression du comportement poursuivi par le CoRDiS constitue un abandon de sa pratique décisionnelle.

  8. En troisième lieu, si la société Danske soutient que les enchères de capacités ont été congestionnées en 2014, 2016 et 2018 et que tout acteur de marché aurait raisonnablement pu déduire la forte probabilité qu'un autre acteur de marché participerait aux enchères litigieuses, sans qu'il y ait lieu de se concerter, il n'en demeure pas moins que seule la participation de la société Equinor était de nature à lui garantir le résultat recherché, quels que fussent les comportements de tiers.

  9. En!n si la société Equinor soutient que le comportement de la société Danske ne peut être invoqué à son égard, puisqu'elle n'en est pas responsable, le comité relève que la preuve d'une action concertée ne doit pas être rapportée à l'encontre de chacune des deux personnes mises en cause isolément mais compte tenu de leur comportement global et conjoint.

  10. La concertation des personnes mises en cause ayant conduit à la congestion des enchères de capacité annuelle au PIR Pirineos pour les années gazières 2019-2020 et 2020-2021, il en résulte que le prix des capacités intra-annuelle a été, pour ces années, arti!ciellement amputé du montant des multiplicateurs tarifaires. La société Danske n'est dès lors pas fondée à soutenir que les prix congestionnés ne sont pas des prix « arti!ciels » puisque ceux-ci ne résultent pas, contrairement à ce qu'elle prétend, de la structure du marché telle qu'établie au moment des faits par le cadre régulatoire tarif ATRT, mais ont été causé par l'action, positive, concertée et réitérée à deux reprise, des sociétés Equinor et Danske.

  11. Si la société Equinor soutienne que la réservation 1 kwh/h aux enchères litigieuses ne pouvait pas avoir d'effet sur le marché en cause, au regard de sa modicité, une action constitutive d'une manipulation de marché peut parfaitement résulter, comme en l'espèce d'une intervention qui est sans rapport de proportion avec l'avantage recherché. le volume sur lequel portent les actes reprochés est donc dénué d'incidence sur leur quali!cation.

  12. Il résulte de ce faisceau d'indices graves, précis et concordants, et non in!rmé par les sociétés, qu'elles ont été les auteurs d'une action concertée.

Sur les autres justi!cations invoquées par les personnes mises en cause

  1. Comme il a été énoncé, les personnes mises en cause doivent démontrer que les raisons qui les ont poussées à adopter le comportement reproché sont légitimes et que celui-ci est conforme aux AMP sur le marché de gros de l'énergie.

  2. En premier lieu, les deux personnes mises en cause échouent à démontrer que leur comportement était légitime.

  3. D'une part, il a déjà été établi que la société Danske ne parvenait pas à établir caractère non authentique de ses réservations.

  4. D'autre part, la société Equinor ne nie pas le fait que l'obligation « d'activer », par la réservation de capacité, le contrat […] pour maintenir son accès au marché gazier espagnol, n'existait plus au moment des faits reprochés. Elle se limite à invoquer le fait qu'elle n'avait pas la bonne compréhension de cette obligation à l'époque des faits. Cependant, il résulte de l'instruction qu'elle s'est bornée à demander à la société Enagas si une réservation de capacité minimale était nécessaire pour disposer du statut d'expéditeur de gaz mais n'a pas demandé à cette société si une réservation de capacité minimale était nécessaire pour accéder à la plateforme SLT-ATR, alors qu'il lui appartenait, en tant qu'acteur de marché avisé, de se renseigner sur le fait de savoir si cette obligation était encore en vigueur. Contrairement à ce qu'elle soutient, la réponse qui lui a été apportée par le courrier électronique du 16 avril 2018 sur le statut d'expéditeur de gaz, constituait une indication forte que leur compréhension de leur prétendue obligation de réservation de capacité minimale était devenue erronée. Or à la suite de cette réponse la société Equinor, s'est bornée à maintenir sa pratique sans demander davantage d'information. Le maintien de cette pratique de réservation de capacité minimale a ensuite été justi!ée, dans des échanges entre des salariés de la société Equinor, par la volonté de préserver la con!dentialité d'un contrat conclu avec une société tierce. En!n, à l'occasion de la présente procédure, la société Equinor se prévaut à nouveau d'une prétendue obligation de réserver une capacité minimale pour avoir accès à la plateforme SLT-ATR. Dans ces conditions, les justi!cations invoquées par la société Equinor ne sont pas de nature à justi!er son comportement. Le comité relève que ce n'est qu'après l'ouverture de l'enquête qu'elle a immédiatement abandonné cette pratique.

  5. La circonstance alléguée par la société que la procédure applicable […] imposait, pour avoir accès au marché gazier, en sus de la conclusion d'un contrat, son « activation » par la réservation de capacités, à la supposer établie, est sans incidence sur l'appréciation du comité.

  6. En second lieu, et sans qu'il soit d'ailleurs nécessaire de procéder à la véri!cation de la seconde condition, celles-ci étant cumulatives, il peut toutefois être relevé qu'il n'est pas rapporté la preuve que par l'une ou l'autre des personnes mises en cause, que leurs comportements respectifs seraient conformes aux AMP, celles-ci se contentant de l'af!rmer par principe sans en justi!er.

  7. En conséquence, est retenu à l'encontre des sociétés Danske et Equinor, en raison de leurs réservations de capacités annuelles lors des premiers tours des enchères litigieuses, le manquement à l'article 5 du règlement REMIT de manipulation de marché au sens de l'article 2(2), a, ii dudit règlement.

8.6. Sanctions retenues

8.6.1. Rappel des principes applicables en matière de sanction

  1. En application des dispositions de l'article 18 du règlement REMIT, « Les Etats membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. Les sanctions prévues doivent être ef!caces, proportionnées et dissuasives et tenir compte de la nature, de la durée et de la gravité de l'infraction, du préjudice causé aux consommateurs et des gains potentiels tirés de la transaction sur la base d'informations privilégiées et d'une manipulation du marché ».

  2. En application des dispositions de l'article L. 134-27 du code de l'énergie, dans sa version en vigueur au moment des faits telle qu'issue de la loi no 2013-312 du 15 avril 2013, le comité de règlement des différends et des sanctions peut prononcer, en fonction de la gravité du manquement :

« 1 oSoit une interdiction temporaire d'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 pour une durée n'excédant pas un an ;

« 2 oSoit, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale, une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés.

« Ce montant ne peut excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes lors du dernier exercice clos, porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation dans le cas d'un manquement aux obligations de transmission d'informations ou de documents ou à l'obligation de donner accès à la comptabilité, ainsi qu'aux informations économiques, !nancières et sociales prévues à l'article L. 135-1. A défaut d'activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 100 000 euros, porté à 250 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation.

« Dans le cas des autres manquements, il ne peut excéder 8 % du chiffre d'affaires hors taxes lors du dernier exercice clos, porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. A défaut d'activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros, porté à 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation.

« Si le manquement a déjà fait l'objet d'une sanction pécuniaire au titre d'une autre législation, la sanction pécuniaire éventuellement prononcée par le comité est limitée de sorte que le montant global des sanctions pécuniaires ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues » (soulignement ajouté).

  1. Il résulte de ces dispositions que le maximum légal de 8 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes lors du dernier exercice clos s'applique à une manipulation de marché au sens de l'article 5 du règlement REMIT.

  2. En l'espèce, il ressort des derniers comptes publiés des sociétés Danske et Equinor, lesquels sont relatifs aux exercices clos au titre de l'année 2023, que les chiffres d'affaires hors taxes réalisés lors de ces exercices sont de 3.046.453.000 euros pour la société Danske et de 62.286.000.000 dollars pour la société Equinor, soit, en application du taux de change annuel moyen entre ces devises (1,08159), d'un montant de 67.367.914.740 euros.

  3. Par suite, les montants maximums des sanctions pécuniaires pouvant être in!igées s'élèvent à 243.716.240 euros pour la société Danske et 5.389.433.179 euros pour la société Equinor.

8.6.2. Eléments d'appréciation des sanctions

  1. A titre liminaire, la société Equinor soutient que le comité ne peut se fonder, s'agissant des critères à prendre en compte pour l'évaluation du montant de la sanction, ni sur l'atteinte au marché ni sur le caractère intentionnel du comportement reproché mais seulement sur « l'ampleur du dommage » tel que prévu par l'article L. 134-27 du code de l'énergie dans sa version en vigueur à l'époque des faits.

  2. Cependant, dès lors que, dans le cadre de son pouvoir de sanction, le comité fonde son appréciation sur les seuls principes applicables en la matière issus du règlement REMIT et des dispositions précitées du code de l'énergie, ce moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

8.6.2.1. Sur la nature, la durée et la gravité du manquement

  1. Le comité rappelle que le règlement REMIT poursuit une !nalité d'ordre public économique au sein de l'Union, notamment pour prévenir et, le cas échant, réprimer les manipulations de marchés qui sont de nature tant à entraver le libre fonctionnement du marché que de tromper les acteurs présents au cours de la période concernée sur l'état de l'offre et de la demande sur la plateforme PRISMA.

  2. Les sociétés Danske et Equinor ont, par leur action concertée, commis une manipulation sur le marché des capacités annuelles de gaz naturel entre la France et l'Espagne. La gravité intrinsèque, au regard des dispositions du règlement REMIT, du manquement de manipulation de marché est accrue, en l'espèce, par le caractère intentionnel de ce manquement, et par sa réitération, puisqu'il a été constaté à deux reprises, lors des enchères du 1 er juillet 2019 puis, de nouveau, lors des enchères du 6 juillet 2020.

  3. Le règlement REMIT, qui dé!nit et réprime le manquement de manipulation de marché, est entré en vigueur depuis le 28 décembre 2011. Ce règlement était donc en vigueur depuis plus de sept ans lorsque les premiers manquements reprochés aux sociétés Danske et Equinor ont été commis.

  4. En!n, les agissements reprochés aux personnes mises en cause sont d'autant plus graves qu'ils ont porté atteinte au mécanisme tarifaire des enchères de capacité gazière, lequel est essentiel pour la régulation du secteur du gaz naturel en France puisqu'il permet d'assurer la stabilité du marché, en poussant ses acteurs à atteindre un équilibre entre l'acquisition de capacités de court terme, et de long terme, en prévenant la survenance de !uctuations des !ux de capacité et, ainsi d'assurer la sécurité d'approvisionnement en gaz de la France, sans que les personnes mises en cause ne soient fondées à alléguer que le cadre régulatoire, dont elles ont sciemment détourné les mécanismes incitatifs à des !ns de pro!t, aurait été défaillant.

8.6.2.2. Sur la situation des personnes mises en cause

  1. La société Danske soutient que, au moment des faits, sa place sur les marchés gaziers européens était loin d'être prépondérante et que son revenu annuel, inférieurs à ceux annoncés par la membre désignée, n'était que de 800 millions d'euros en 2018 et 2019. Elle ajoute qu'en 2023, elle ne représentait pas plus de […] du volume échangé dans les principaux hubs gaziers européens et, dans la plupart des cas, sa part était nettement inférieure seulement […] au PVB en Espagne et […] au PEG en France.

  2. Toutefois, les deux personnes mises en cause sont, compte tenu de leurs moyens !nanciers, leurs effectifs, leur prépondérance sur leurs marchés énergétiques réciproques, en Norvège et au Danemark, et plus généralement, leur place sur les marchés énergétiques à l'internationale, des acteurs importants sur différents marchés de gros dans le secteur de l'énergie en Europe, et en particulier sur les marchés gaziers.

  3. Il ressort également du dossier qu'elles sont en outre des acteurs de marché avertis, devant nécessairement avoir connaissance du fonctionnement du dispositif des enchères de capacités au PIR Pirineos et des enjeux du mécanisme des multiplicateurs tarifaires.

  4. Il en résulte une intensité particulière de leur obligation d'attention au respect des normes applicables à leurs activités.

  5. Bien que les personnes mises en cause allèguent avoir fait leurs meilleurs efforts pour mettre en place des dispositifs de nature à prévenir les atteintes au règlement REMIT, ceux-ci ont été insuf!sants ou sciemment méconnus puisque les sociétés Danske et Equinor ont pu se coordonner pour contrevenir à ses dispositions.

8.6.2.3. Sur l'ampleur du dommage et le préjudice causé aux acteurs du marché

  1. Les agissements reprochés ont eu pour effet de porter atteinte à la con!ance des acteurs du marché et des consommateurs en l'intégrité des marchés des produits énergétiques, l'un des fondements du règlement REMIT et plus généralement du marché unique européen de l'énergie.

8.6.2.4. Sur les avantages tirés par les personnes mises en cause

  1. Dans la mesure où il résulte du dossier que l'avantage retiré par la société Danske des prix congestionnés, estimé, par le procès-verbal, à [entre 500 000 et 1,5 millions d'euros] et, par le rapport d'un consultant, à [entre 100 000 et 500 000 euros], il est établi que cette dernière a tiré un béné!ce direct et non négligeable des opérations, effectuées conjointement avec la société Equinor, lors des enchères litigieuses.

  2. En revanche, bien que la société Danske soit détenue à 100 % par la société Equinor, et que celle-ci ait pu tirer un béné!ce indirect des opérations effectuées conjointement par la société Danske et elle-même, lors des enchères litigieuses, le comité constate qu'aucun élément du dossier ne permet de l'attester. Pour cette raison, à l'instar de ce qui a été proposé par la membre désignée, le montant de la sanction pécuniaire in!igé à la société Equinor doit être inférieur à celui prononcé à l'encontre de la société Danske.

8.6.3. Détermination de la sanction

  1. Compte tenu de l'ensemble des éléments d'appréciation de la sanction exposé ci-dessus, il y a lieu de prononcer une sanction pécuniaire de huit millions d'euros (8.000.000 €) à l'encontre de la société Danske et une sanction pécuniaire de quatre millions d'euros (4.000.000 €) à l'encontre de la société Equinor.

  2. Par ailleurs, eu égard aux exigences d'intérêt général qui s'attachent à ce que la présente décision soit connue de l'ensemble des acteurs du marché de l'énergie, notamment pour restaurer la con!ance des acteurs envers le marché et son bon fonctionnement, mais aussi pour avertir l'ensemble des acteurs de la rigoureuse nécessité de se conformer aux exigences posées par le règlement REMIT et de la détermination tant de l'autorité de régulation que du CORDIS d'en poursuivre avec constance et fermeté la défense, le comité décide, pour ces motifs, de publier la présente décision, sous réserve des secrets protégés par la loi, au Journal of!ciel de la République française et sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie, sans anonymisation des sociétés sanctionnées pendant une durée d'un an à compter de sa première publication.

  3. Il y a également lieu, pour les mêmes motifs, pour les sociétés Danske et Equinor, de procéder à la publication intégrale de la présente décision, à leurs frais, selon des modalités dont il sera rendu compte au comité, dans chacun des premiers prochains communiqués !nanciers de ces sociétés, qui devront également contenir, de manière apparente, la mention suivante en langue française, également traduite en langue anglaise et, pour chacune ce qui la concerne, en langues norvégienne et danoise : « Les sociétés Danske Commodities A/S et Equinor ASA ont été condamnées, par une décision no 08-40-23 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 20 janvier 2025, au titre de la méconnaissance de l'article 5 du règlement REMIT qui prohibe les manipulations de marché, au paiement de sanctions pécuniaires, dont les montants s'élèvent à huit millions d'euros (8.000.000 €) pour la société Danske Commodities A/S et quatre millions d'euros (4.000.000 €) pour la société Equinor ASA, pour des manipulations commises sur le marché de gros en 2019 et en 2020, en ce qui concerne les capacités de transport de gaz naturel entre la France et l'Espagne » et d'insérer sur la page d'accueil de leurs sites internet respectifs (https://www.equinor.com/ et https://danskecommodities.com/), de manière apparente, pendant une durée de trois mois à compter de la date à laquelle le CoRDiS aura été informé par ces sociétés de cette publication, un bandeau contenant la mention sus décrite, en caractère gras et en rouge, sur fond blanc.

* * *

Décide :

Art. 1er . – Les sociétés Danske et Equinor ont méconnu l'article 5 du règlement REMIT.

Art. 2. – Une sanction pécuniaire de huit millions d'euros (8.000.000 €) est prononcée à l'encontre de la société Danske ; une sanction pécuniaire de quatre millions d'euros (4.000.000 €) est prononcée à l'encontre de la société Equinor.

Art. 3. – La présente décision sera publiée, sous réserve des secrets protégés par la loi, au Journal of!ciel de la République française sans anonymisation de l'identité des sociétés sanctionnées et sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie sans anonymisation des sociétés sanctionnées pendant une durée d'un an à compter de sa première publication.

Art. 4. – Il y a lieu d'enjoindre aux sociétés Danske et Equinor de procéder aux publications telles que précisées au point 94 de la présente décision.

Art. 5. – La présente décision sera noti!ée aux sociétés Danske et Equinor.

Copie de la présente décision sera adressée à la présidente de la Commission de régulation de l'énergie. Fait à Paris, le 20 janvier 2025.

Pour le comité de règlement des différends et des sanctions : Le président, T. TUOT

(4) […]

(5) CRE, délibération du 15 décembre 2016 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et de TIGF ; CRE, délibération no 2020-012 du 23 janvier 2020 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et Teréga.

(6) CE, 2 février 2022, no 438866, points 12 et 13.

(7) Onglet « Brainstorm list », cellule F16.

(1) L'article L. 135-3 du code de l'énergie dispose : « Les agents de la Commission de régulation de l'énergie habilités à cet effet par le président procèdent aux enquêtes nécessaires pour l'accomplissement des missions con!ées à la commission. (…) ».

(2) L'article L. 134-25-1 du code de l'énergie dispose que : « Dès réception de la demande de sanction, sauf cas d'irrecevabilité manifeste, le président du comité de règlement des différends et des sanctions désigne un membre de ce comité, titulaire ou suppléant, chargé de l'instruction avec le concours des agents de la Commission de régulation de l'énergie. […] ».

(3) L'article R. 134-20 du code de l'énergie dispose que : « Pour chaque affaire, le président du comité de règlement des différends et des sanctions désigne un membre de ce comité chargé, avec le concours des agents de la Commission de régulation de l'énergie, de l'instruction. Le cas échéant, ce membre adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 134-26 et noti!e les griefs. Il peut ne pas donner suite à la saisine. […] ».

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